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Bibliothèque de l'Église apostolique arménienne - Paris
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Denis DONIKIAN
( n. 1942 )

Ses ouvrages en arménienSes ouvrages en français


L'auteur / Հեղինակ

Naissance le 19 mai 1942 à Vienne (Isère).

Denis Donikian a été élève au Collège arménien Samuel Moorat de Sèvres (1953-1958) puis étudiant de lettres et de philosophie à Lyon, alternativement avec un court passage par l’université d’Erevan (1969-1971) et une activité de militant au Centre d’études arméniennes (1963-1966). En 1967, il publie son premier livre Le Lieu Commun.
Il a travaillé comme professeur à Kiev (1971-1973), puis au Viet Nam (1973-1975) où, en avril 75, durant la prise de Saïgon par les communistes, il fait imprimer son livre sur l’Arménie soviétique (Ethnos). En 1972, il voyage en Turquie (Musa Dagh, Malatia), au Liban et en Syrie. En 1980, il rencontre clandestinement Sergueï Paradjanov à Tbilissi avec lequel il a un entretien (Les Chevaux Paradjanov), et parcourt l’année suivante les camps de réfugiés cambodgiens de Thaïlande. D’autres voyages vont ponctuer ces années-là : Hong Kong, Laos, Moscou, Etats-Unis (San Francisco, Chicago, Philadelphie), Grèce (Crète, Rhodes), Sinaï, Saint-Denis de la Réunion, Malte, Sicile (Etna), Stromboli, Maroc, Arménie... qui donneront parfois naissance à des textes, publiés ou restés inédits.
Parallèlement à son travail d’écrivain et de traducteur, il conduit certaines recherches dans le domaine des arts plastiques en mêlant autant que possible, dans ses expositions ou ses installations, écriture, peinture, sculpture et musique et parole (Sismographie, Musique des Sphères, Poteaubiographie, Un cercles d’histoires, Un Nôtre Pays, Exils).

Denis Donikian rédige un blog sur le Monde.fr depuis février 2005, intitulé "Petite encyclopédie du génocide arménien."

Autre blog littéraire Ecrittératures

Site web de l'auteur : www.denisdonikian.com

 
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 Աղբաստան [ Vidures ]
Titre / Վերնագիր : Աղբաստան / auteur/հեղինակ : Denis DONIKIAN - Վեպ
Editeur / Հրատարակիչ : Ակտուալ Արվեստ
Année / Թուական : 2013
Imprimeur / Տպագրիչ : 
Description / Նկարագրութիւն : 11,5 x 21,5 cm, 403 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection : 
Notes / Նշան : 
Autres auteurs : 
Sujets / Նիւթ : Traduction du roman "Vidures", publié chez Actes Sud en 2011
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Թարգմանություն՝ Ռուզաննա Վարտանյան

Avec le concours du Centre National du Livre et de la Société FINECO


C’est une journée dans la vie de Gam’, une journée qui contient toute une vie. Unité de temps, unité de lieu, unité d’action, matière première de tragédie classique que Denis Donikian sculpte en roman-monde. On est au pied du mont Ararat, sous le bleu du ciel et le rire des mouettes moqueuses, les pieds dans la boue, entre la grande décharge et le cimetière, peut-être le chemin le plus court pour raconter la vie sur terre. Et tout est vrai. Poète contrarié, journaliste-pamphlétaire clandestin, vagabond magnifique, fils en fugue, orphelin inconsolable, chiffonnier de fortune dans une Arménie en ruine qui ressemble diablement à sa décharge - cette “apocalypse en sursis”, Gam’ conduit cette danse folle, dangereuse et salvatrice, épique et dérisoire : la traversée d’un jour parmi les sans-riens qui fouillent les entrailles de la ville pour en faire leur festin. Et Gam’ nous prête ses yeux, ses oreilles et ses sens pour appréhender une réalité de fable ou de mauvaise blague historique aussi invraisemblable que réaliste, aussi anachronique qu’actuelle. On est à la marge - dans l’ombre toujours vaguement menaçante d’un régime qui pour être indépendant n’en est pas moins autoritaire, mafieux, expéditif ; où la police envoie au feu ses voyous en costards à la gâchette facile, où tous les cadavres doivent disparaître. Voici Dro, le “bouseux sensuel”, le patron de la décharge, qui a baptisé son chien et ses porcs préférés des surnoms des trois caricatures de présidents qui se sont succédés aux commandes de la petite république - et qui manie le tractopelle en scénographe de la pourriture. Voici Roubo, le gardien du cimetière, son voisin-frère-ennemi, collé toute la sainte journée à son tabouret, qui biberonne sa gnôle et surveille les entrées et sorties, aussi attaché à “ses” morts que l’autre l’est à ses porcs. Et voici les chiffonniers, hommes, femmes, enfants, dont le désespoir et les épreuves n’ont jamais entamé la fierté. L’humanité en deuil d’elle-même que nous présente Denis Donikian nous colle au cœur : elle est à part égale effrayante et attachante pour ce qu’elle ravive de souvenirs autant que pour ce qu’elle promet - parce qu’elle nous pend au nez. Le regard qu’elle pose sur son absence d’horizon (de la décharge, on voit le cimetière et vice-versa) est chargé d’une lucidité acérée, d’un humour de dépossédés et d’un sens de la fête proche de l’instinct de survie. C’est un pays, un peuple, qui a tout subi, injustice des hommes et de la nature, génocide et tremblement de terre, un pays qui s’est tout juste assez relevé, construit, pour céder aux fausses sirènes d’une comédie d’Indépendance conquise de haute lutte et aussitôt gangrénée par toutes les corruptions. Dans ce contexte sans merci, Denis Donikian échappe au folklore et aux lamentations légitimes pour mieux mener la ronde des affaiblis, explorer la hiérarchie sophistiquée de la misère et sonner l’heure du réveil. Aux confins d’un pays en charpie, dans l’urgence reçue en héritage, parce que quand “on n’a plus d’avenir à offrir, on patauge dans la fatalité”, comme un chant contestataire improvisé pendant qu’il est trop tard, Vidures est un hymne à la résistance humaine (à la survivance de l’humain), fort d’un constat paradoxal qui vaut pour tout un peuple : Vivre était encore possible après qu’on avait touché le fond. Vidures est une allégorie de l’Arménie dans un miroir tendu à toute la planète. Un hymne et un appel, un hymne et un coup de tonnerre pour rallumer les âmes, secouer les corps et rendre aux esprits le seul pouvoir qui vaille : celui des mots choisis, celui des histoires transmises, pour nourrir la mémoire qui est le meilleur moyen de transport vers l’avenir. Il y a dans ce texte une puissance rare et fondamentale - et fondamentalement singulière, qui évoque des grandes voix à la pelle (on pense à Beckett, à Shakespeare, à Céline, à Hrabal…) et/mais qui ne ressemble à rien. Il y a, au-delà du souffle narratif, un texte qui fonce vent debout contre les pseudo-fatalités de l’histoire, une révolte qui creuse et qui jaillit, une rage pleine d’amour contre ses semblables si aisément vaincus, si vite démissionnaires. Il y a, enlacés, la colère et la joie de vivre, l’ordure et la poésie, le rire et l’impossible. Le “vin fou des légendes” et la honte bus d’un même trait. Il y a les messies narcissiques et les révoltés désarmés, des hommes qui font les morts et des morts qui ne lâchent rien. Der Vorghomia ! crie au petit matin Gam’, perché sur sa colline qui domine la ville. Ce sont les premiers mots de Vidures. Ils signifient : Seigneur, prends pitié ! Pourtant, après avoir résonné tout au long du roman, ils sonnent à nos oreilles comme un toast et comme un cri de guerre. Comme une improbable promesse. Comme une prière active.


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