Bibliothèque de l'Eglise apostolique arménienne - Paris - HOVANESSIAN , Martine     Retour à l'Index des auteurs en français    Accueil des catalogues en ligne

Bibliothèque de l'Église apostolique arménienne - Paris
15, rue Jean-Goujon - 75008 Paris || Père Jirayr Tashjian, Directeur
Téléphone : 01 43 59 67 03
Consultation sur place du mardi au jeudi, de 14 heures à 17 heures


Martine HOVANESSIAN
( 1953 - 2019 )

L'auteur

Martine HOVANESSIAN --- Cliquer pour agrandir
Naissance le 2 mai 1953 à Bagneux (Hauts-de-Seine, France), décès le 21 juillet 2019 à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine, France).

Martine Hovanessian est anthropologue et Directrice de Recherche au CNRS.

Spécialiste reconnue des diasporas et de la diaspora arménienne, auteure d'ouvrages sur Le lien communautaire, elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs et écrit de nombreux articles. Elle est titulaire depuis 2009 d'une Habilitation à Diriger des Recherches très remarquée et intitulée : "Traversée de lieux exilés. Recoudre les fragments" et dont le contenu porte sur la "quête d’instruments conceptuels permettant d’élaborer une anthropologie de la violence moderne qui croise en même temps une anthropologie de la nation et une anthropologie de l’exil ".

Elle a mené de longues enquêtes de terrain en Arménie sur la question migratoire.
Spécialités: Anthropologie de l'exil, Anthropologie politique, Anthropologie religieuse, Anthropologie urbaine, Épistémologie de l’anthropologie (méthodologie), Anthropologie et psychanalyse.

Martine Hovanessian est directrice de recherche au CNRS (section 38 du Comité National : Anthropologie : Unité de l’Homme et diversité des cultures).Elle est également chargée d’enseignement à l’INALCO, ethnologie-anthropologie, Études Arméniennes, Département Russie-Eurasie; son enseignement porte essentiellement sur les phénomènes de transmission entre les générations à travers les histoires orales recueillies, la mémoire familiale et les cadres sociaux de la mémoire collective depuis la rupture de 1915 et le grand exode.


Article France-Arménie, numéro 467, Octobre 2019

Elle avait soutenu sa thèse de doctorat en 1990 à l'École des hautes études en sciences sociales. Spécialiste des diasporas et en particulier de la Diaspora arménienne, elle était l'auteure de nombreuses études, articles, ouvrages, sur le lien communautaire et sur le trauma du Génocide. Le Lien communautaire, trois générations d'Arméniens à Issy-les-Moulineaux, paru en 1992, était l'ouvrage qui l'avait fait connaitre. Il permettait de pénétrer le « milieu » arménien, modèle d'intégration. L'une des premières à étudier la communauté arménienne, elle était une pionnière en la matière (Les Arméniens et leurs territoires, 1995). Membre de la Société des études arméniennes depuis sa fondation en 1992, elle était, depuis 1998, chargée d'enseignement à l'Inalco où elle distilla ses cours pendant 20 ans. Ce qui lui fournit matière à écrire Les Récits de nos vies atteintes (2013), mi-autobiographie, mi-ethnographie.
En 2009, elle était devenue directrice de recherche au CNRS après son habilitation à diriger des recherches. Sa thèse portait sur la Traversée des lieux exilés. Recoudre les fragments. Anthropologue, elle avait mené des enquêtes de terrain en Arménie. Sa réputation était grande dans le milieu scientifique. On la sollicitait pour ses compétences en anthropologie religieuse, politique, urbaine, de l'exil. Nombreuses étaient ses collaborations internationales avec l'Argentine, les États-Unis ou encore le Canada.

Elle était mère de trois enfants. Ses funérailles ont été célébrées en l'église arménienne Saint-Jean-Baptiste de la rue Jean-Goujon à Paris, le 26 juillet 2019. Elle a été inhumée au cimetière de Bagneux.

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2012
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 Les récits de nos vies atteintes
Titre : Les récits de nos vies atteintes / auteur(s) : Martine HOVANESSIAN - Une histoire arménienne inconcevable
Éditeur : L'Harmattan
Année : 2013
Imprimeur/Fabricant : Corlet numérique, 14110 Condé-sur-Noireau
Description : 14 x 22 cm, 310 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection :
Notes : Bibliographie p. 261-281
Autres auteurs :
Sujets : Génocide arménien -- Récits personnels -- Anthropologie -- Psychannalyse
ISBN : 9782343021041
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Ma proximité avec le champ anthropologique du groupe, mes incursions géographiques dans les communautés arméniennes de la diaspora, mes pratiques d’entretien et d’observation donnant lieu à des rencontres fabuleuses ont fortifié la certitude d’une connaissance enfouie en attente d’un “dire”, d’une transmission espérée d’un savoir sensible.
Ces faisceaux d’histoires orales recueillies dans la longue durée déploient un paysage d’une intériorité tourmentée sous bien des aspects, que l’on ne peut imaginer si l’on s’applique au strict exercice monographique. Ici, les récits de nos vies encombrées d’impératifs et d’injonctions de nos parents à la voix étranglée, exilés de l’extrême ou orphelins, ont tenté de délier des mouvements narratifs comme autant de voix prolongeant les corps.
Le collectif ne fut pas une visée, surtout pas, mais une référence déchirée, turbulente à apprivoiser, à rendre aimable compte tenu du démantèlement violent dont il a été la cible avec le génocide de 1915. La chorale a surgi à travers une relation de confiance qui s’est tressée grâce au temps. Nous ne voulions rien d’autre qu’être là dans l’échange et retrouver nos gestes, nos mots, nos allégresses dans les écorchures de mémoire. Être là, dans cette histoire arménienne inimaginable qui nous a submergés et qui a brisé nos capacités à nous confronter entre nous, tranquillement, à concevoir un futur possible sans le poids de la menace. Il fallait parler de nos peurs et de nos terreurs intériorisées et dégager un passage possible vers l’idée d’un chemin “à soi”, malgré nos hantises des corps entassés, des corps fantômes, se frayer un passage et permettre de nous caler dans le temps présent.

EXTRAIT
« Nous nous sommes accordé le temps nécessaire, dans la secrète conviction partagée que des imprévisibles surgiraient, arborant le plus essentiel des scènes et des parcours de vie, du ou des moment(s)qui ont fait basculé la conscience de l’appartenance, nous, enfants d’exilés et de survivants. Nous nous sommes d’une certaine manière arrachés au temps social pour nous rapprocher de nos rythmes intérieurs, incitant au silence, à la méditation compréhensive, au souvenir actif de nos peines. Scansions qui montraient un présent de moindre importance au regard des situations vécues, irradié par une archéologie des mémoires retenues. Nous avons tourné autour de nos cœurs. » (p.41)

TABLE DES MATIÈRES

Le mode générationnel et « l’arménité »
Une tâche ingrate
Nos « pactes » autobiographiques : atteindre l’autre
Le plaisir du dire
Prendre le risque de l’in-cohérence
Polyphonie : dégager un horizon
Franchir
Territorialiser l’exil extrême
Le geste poétique : dépenser au lieu de collecter
Un rêve effondré
Douleur de la langue : l’exil dans l’exil
Le corps de l’écriture
Tissage
Le fragment
Les reliques d’un corps social perdu

Partie I : « D’où viennent les parents » ? Les épreuves
L’écroulement
Fissurations
Le « témoin interne »
Apatride, orphelin : plus de place dans le monde
« Il y a toujours un orphelin quelque part »
Sentiment d’irréalité : l’atteinte du cœur des mots
La complainte : un chant qui hante
Deïr Zor
Sauvons l’exil
La solitude
Le roman familial
Narrer les parcours à travers la cartographie
Les photos
Les angoisses abyssales de nos parents
Les voix des pères : ce que l’on cherche à dire lorsque l’on parle de son père
Le changement de nom du père
L’écriture sur le père
Mémoires du lieu : une symbolique vigoureuse
Hichadagaran (mémorial)

Partie II
Et nous qui sommes-nous ? Lignes de vie
Des positions générationnelles
Le sentiment de liberté
La Lettre, l’aviateur et le cavalier
La lettre : récit du 2.6.2000
La dette
Ne pas être différent
La banalisation
Des douleurs encore…
L’insulte est un « coup »
La haine et la colère
Otage d’une « haine du désir »
Nos souvenirs d’enfance : la vie de notre quartier
La région sensible
Les déclics
« L’arrière-pays » : retrouvailles
La forteresse : Arménie, juillet 2006
La ruine et l’explosion
L’Orient
Les logiques sociales
Des fragments de ma propre biographie
Les plaintes lancinantes
La couleur rose
Détours, itinéraires : mes compagnons de pensée


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 Revue Hommes et migrations - Diaspora arménienne et territorialités
Titre : Revue Hommes et migrations - Diaspora arménienne et territorialités / auteur(s) : Revue Hommes et Migrations - Numéro 1265, Janvier-février 2007
Éditeur : Cité nationale de l'histoire de l'immigration
Année : 2007
Imprimeur/Fabricant :
Description : 16 x 24 cm, 224 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection :
Notes :
Autres auteurs : Martine HOVANESSIAN [directeur] -
Sujets : Immigration -- Diaspora arménienen
ISBN : 9770223329004
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Dossier -Diaspora arménienne et territorialités
Coordonné par Martine Hovanessian, avec des articles de Emile Temime, Jean-Luc Huard, Sarah Djergaïan, loannis K. Hassiotis, Annick Lenoir-Achdjian, Sarah Mekdjian, Nélida Boulgourdjian-Toufeksian, Tamara A. Galkina, Hasmik Kirakosyan, Gérard Chaliand, Sylvia Kasparian, Krikor Beledian.
La notion de diaspora arménienne nécessite à la fois des recherches qui croisent plusieurs échelles et le recours à des champs disciplinaires différents permettant de repérer et d'analyser les évolutions du lien social dans la dispersion.

Mémoire
- Telle que je l'imagine : la Cité nationale de l'histoire de l'immigration à travers le regard de ses visiteurs potentiels, par Alexandra Poli
Musiques
- Toumani Diabaté, par François Bensignor
Cinéma
Par André Videau
Livres
Par Mustapha Harzoune

Table des matières

Introduction. Par Martine Hovanessian
Diasporas et identités collectives. Par Martine Hovanessian
Les Arméniens à Marseille. Des années vingt à aujourd'hui., Par Emile Temime
La présence arménienne dans l'entre-deux-guerres dans la région Rhône-Alpes. Par Jean-Luc Huard
Un territoire de l'identité arménienne, Le 9e arrondissement de Paris. Par Sarah Djergaïan
La communauté arménienne de Thessalonique. Organisation, idéologie, intégration. Par loannis K. Hassiotis
L'évolution de l'identité arménienne à Montréal.
Les relations entre les parents et les écoles arméniennes, par Annick Lenoir-Achdjian
Identité et territoire. Les Arméniens à Los Angeles., Par Sarah Mekdjian
La migration des Arméniens à Buenos Aires. Le réseau associatif. Par Nélida Boulgourdjian-Toufeksian
Les Arméniens à Moscou depuis la dissolution de l'URSS. Par Tamara A. Galkina
La migration arménienne vers Paris et sa région dans la période 1988-2004. Par Hasmik Kirakosyan
Les Arméniens et la mémoire. Dialogue entre Martine Hovanessian et Gérard Chaliand
Langues et identités des Arméniens de la diaspora. État des lieux. Par Sylvia Kasparian
Exils et territoires symboliques. Le rôle des revues littéraires d'après la Catastrophe. Par Krikor Beledian


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 Le lien communautaire
Titre : Le lien communautaire / auteur(s) : Martine HOVANESSIAN - Trois générations d'Arméniens
Éditeur : L'Harmattan
Année : 2007
Imprimeur/Fabricant : 14-Condé-sur-Noireau : Impr. Corlet numérique
Description : 13,5 x 21 cm, 326 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection :
Notes : Texte remanié de : Thèse de doctorat : Ethnologie : Paris, EHESS : 1990 ; Réédition ; Contient un choix de témoignages. - Bibliogr. p. 305-316
Autres auteurs :
Sujets : Arméniens -- France -- Issy-les-Moulineaux Hauts-de-Seine -- Histoire
ISBN : 9782296028692
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Le lien communautaire, ce sont les récits d'une nouvelle territorialisation, la refondation d'un langage collectif et de nouveaux cadres sociaux de la mémoire, les dynamiques de transmission entre des générations à partir des fragments réappropriés d'une histoire nationale pulvérisée. Il ne s'agit pas ici d'une simple monographie locale sur les identifications de la minorité arménienne nouées à un lieu, mais d'un travail anthropologique sur des identités narratives produites en situation d'exil extrême. L'histoire de vie d'Haroutioun, rescapé arménien du génocide de 1915, constitue comme celle de tant d'autres survivants, un moment de vérité sur cette condition du transfert d'un lieu à l'autre et sur l'expérience de la déterritorialisation engendrée par la violence des États. Au moment du débarquement à Marseille et de son acheminement vers une destination de travail, Haroutioun témoigne de l'immense décalage entre son monde interne et un monde extérieur totalement dénué de repères. Le lien communautaire, ce sont les récits d'une nouvelle territorialisation, la refondation d'un langage collectif et de nouveaux cadres sociaux de la mémoire, les dynamiques de transmission entre des générations à partir des fragments réappropriés d'une histoire nationale pulvérisée.

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 Les Arméniens et leurs territoires
Titre : Les Arméniens et leurs territoires / auteur(s) : Martine HOVANESSIAN -
Éditeur : Autrement
Année : 1995
Imprimeur/Fabricant : en France
Description : 173 p. ill., couv. ill. 25
Collection :
Notes : Numéro spécial de "Autrement, Série Monde", 84, mars 1995 Bibliogr. p. 170-173
Autres auteurs :
Sujets : Arméniens -- France -- Issy-les-Moulineaux Hauts-de-Seine -- Histoire -- 20e siècle * Arméniens -- France -- Alfortville Val-de-Marne -- Histoire -- 20e siècle * Mémoire collective -- France
ISBN : 9782862605319
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Martine Hovanessian est l'une des anthropologues françaises qui connaît le mieux la communauté arménienne. Depuis quelques années, elle s'attache à rendre compte de la place du religieux dans la construction d'une identité collective diasporique. Le livre qu'elle consacre à la communauté arménienne de France qui s'est fixée à Issy-les-Moulineaux et à Alfortville en témoigne. Cette Arménie des bords de Seine, ce "grenier à mémoire" qui porte les cicatrices du génocide, de l'exil, se retrouve autour de quelques mythes fondateurs dont l'église est l'un des creusets les plus caractéristiques. "C'est même le lieu le plus représentatif du pouvoir communautaire" écrit Martine Hovanessian, à propos de l'église apostolique d'Issy. Les seize pierres de fondation qui symbolisent les onze apôtres de Jésus et les cinq évangélistes (conformément aux traditions multiséculaires arméniennes) ont été chacune pour leur part parrainées par un Arménien, et l'église, construite dans un temps record, a été consacrée et bénie par Vazken 1er, Catholicos d'Etchmiadzine. Autour de l'espace religieux, toute la vie communautaire s'est regroupée, l'édifice jouant le rôle d'un pôle d'attraction pour nombre d'activités. Non pas que toute la population pratique régulièrement le culte, comme ailleurs, les prêtres se plaignent de l'absence croissante des jeunes générations, mais la fidélité se décline moins dans la référence aux actions de l'église que dans la célébration de son rôle historique de préservation d'une identité nationale. Elle perpétue ainsi les représentations et une tradition où la conscience d'appartenance se développe dans la croyance en une irréductibilité. L'église fonctionne comme un catalyseur, lieu d'une réconciliation, forme de centralité dépassant les appartenances de classe, atténuant les différences politiques et les distinctions régionales. C'est dans les espaces religieux, quel que soit le rite, apostolique, catholique ou protestant, que s'est ainsi maintenu l'apprentissage de la langue arménienne, du moins pour ce qui est de l'usage écrit. Lieu de culte et d'enseignement, l'église est aussi le centre de rencontres et d'échanges, même si, aux yeux de certains, la hiérarchie très rigoureuse de son fonctionnement interne déployé par les docteurs en théologie freine les initiatives originales et incite à trouver de nouveaux principes organisateurs de l'espace social arménien. A Alfortville, par exemple, la Maison de la Culture arménienne, inaugurée en 1971, joue un peu ce rôle. Elle incarne une nouvelle conscience diasporique suffisamment dynamique pour proposer au travers des apprentissages culturels "davantage qu'une simple illustration fétichisée des origines". C'est dans cet établissement qu'après le dernier tremblement de terre en Arménie, l'aide d'urgence s'est structurée et organisée. Le mythe d'une unité communautaire arménienne s'y est épanoui au point de doter les Arméniens d'Alfortville d'une force de cohésion incontestable.

Pourtant Martine Hovanessian montre avec talent que les forces centrifuges jouent aussi un rôle non négligeable dans la communauté. Les originaires de la même région forment ainsi des micro-communautés qui s'enracinent sur des territoires distincts. Le village arménien de France reproduit, à l'échelle des quartiers de banlieue, des modes de socialisation distincts entre collectivises arméniennes de l'Empire ottoman. La reconstruction partielle de réseaux villageois et familiaux forme quelques noyaux homogènes dans certaines périphéries urbaines et parfois l'identité régionale a de telles racines qu'elle se substitue au sentiment d'une appartenance nationale. Martine Hovanessian va jusqu'à évoquer des villages arméniens réinventés par la diaspora et superposes à ce chez soi qui est devenu, des l'arrivée, l'objectif quasi obsessionnel des familles. Construire sa maison et l'inscrire au coeur d'un quotidien arménien, tel est le but poursuivi par la plupart des immigrants qui ont fui le génocide. "La maison, construite grâce à la mobilisation des ressources communautaires et des énergies familiales, incarne un lieu de pérennité identitaire, un monde clos qui abrite la famille."
Car, dans un premier temps, tout est fait pour maintenir la traditionnelle famille patriarcale avec ses hiérarchies internes, assignant à chacun de ses membres un rôle clairement délimité. Ceux qui sont les rescapés de famille démantelées n'ont pas de souci plus pressant que de restructurer les bribes de leur ancienne cohésion. Aujourd'hui encore, les anciens évoquent avec nostalgie une Arménie communautaire faite de convivialité entre ces familles si fortement structurées. Sur les trottoirs d'un même quartier, paroles et dons circulent, les plus vieux sommant les enfants de conserver l'usage de la langue maternelle. Bien sûr, certains témoins évoquent cette vie de quartier comme une contrainte assujettissant les destinées individuelles au rythme collectif. Mais tous reconnaissent qu'ainsi s'est préservé un espace de l'entre-soi qui a permis au patrimoine culturel de demeurer vivant.

Martine Hovanessian nous conduit ainsi à travers l'imaginaire de la diaspora arménienne. Evoquant la place privilégiée de l'origine, du parcours migratoire du récit de survie de ceux qui ont fui le génocide, elle nous montre que la première génération a su conserver le souvenir des catastrophes précédant l'exode en même temps que celui de la reconstruction des premiers liens communautaires. C'est seulement en 1928, lors de la crise du textile que connut la France, que les Arméniens qui s'étaient d'abord fixés à Marseille, Lyon, Valence, Décines, Saint-Etienne et St-Chamond, se sont implantés dans la région parisienne. La France apparaît pourtant comme une terre refuge très idéalisée et Martine Hovanessian évoque avec une très grande pudeur les marques d'antipathie dont les Arméniens ont souffert comme bien d'autres étrangers dans les années 30. L'épisode de 1947, date du rapatriement de 7 000 Arméniens de France vers l'Arménie soviétique, illustre cette réalité, même si aujourd'hui on mesure parfaitement l'immense déception que fut ce retour raté vers la terre promise. 1956 a permis à ces arméniens de fuir à nouveau l'URSS et de retrouver la France dont ils avaient oublié pour partie les affronts après la terrible déception "socialiste".

Incontestablement ce livre explique la manière particulière dont les Arméniens ont usé pour s'intégrer à la France tout en maintenant la mémoire d'une identité spécifique. Monuments, noms de rues, cérémonies commémoratives marquent l'espace et le temps, inscrivant l'identité arménienne au coeur de ces cités de banlieue que sont Alfortville et Issy-les-Moulineaux

Antoine Spire, Les Nouvelles d'Arménie, numéro 3, Mai 1995


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