Dispersés aujourd'hui dans plusieurs États de l'Asie et de l'Europe, les Arméniens ont sans exception un attachement Invincible à leurs traditions nationales. Partout ils sont les gardiens jaloux de leur religion qui, malgré la durée du schisme au sein de leur Église, rend un témoignage éclatant à l'antiquité chrétienne. Non seulement ils conservent leurs anciens livres et les commentent savamment dans leur langue ; mais encore ils en composent de nouveaux. L'arménien littéral qui a été enrichi et fixé par une longue culture sert jusqu'à nos jours à la rédaction d'importants écrits, en dehors des journaux et des revues, ainsi que de nombreuses productions en arménien vulgaire. Par un double phénomène qui est très rare dans l’histoire, le peuple arménien, fort d'une admirable fidélité à son caractère comme à sa foi, survit aux guerres et aux révolutions qui l'ont en quelque sorte décimé : il possède dans son idiome littéraire et liturgique un signe de sa vitalité et un gage de sa perpétuité. On croirait qu'il est appelé à prendre part quelque jour à la régénération de l'Asie.
Dans une suite d'essais, nous avons tenté, depuis plus de quarante ans, de faire connaître en Belgique la langue et la littérature de ce peuple chrétien de l'Orient. J'en réunis le plus grand nombre aujourd'hui, en y ajoutant quelques notices nouvelles (1). Je les fais précéder d'une esquisse historique qui prend le sujet dans ses généralités, et qui montre la place que les ouvrages dont j'ai traité spécialement occupent dans le développement de la littérature arménienne. Ce sont à peine les linéaments d'une histoire littéraire qui ne serait écrite, à l'heure qu'il est, qu'après des recherches fort laborieuses, vu la rareté des textes imprimés en différentes localités des deux continents, et vu le nombre des documents qui sont encore manuscrits.
Dans les mêmes années où je prenais l'initiative en faveur de l'Indianisme par des écrits et par des leçons, j'ai voulu, à l'aide de diverses communications, initier notre public instruit aux études arméniennes. C'est dans cette espérance surtout que je les avais abordées pendant mon séjour à l'étranger, et non avec l'intention de m'en faire une spécialité littéraire. Si mes tentatives de prosélytisme m'avaient valu, sinon de sérieux encouragements, du moins de bienveillants suffrages, peut-être eussé-je dirigé avec succès de ce côté les efforts de plusieurs autres. En souvenir de ces temps déjà éloignés, il est doux pour moi de rendre hommage aux procédés toujours obligeants et toujours gracieux du savant évêque de Bruges, feu Monseigneur J.-B. Matou, que j'eus l'honneur d'avoir pour collègue pendant huit ans à l'Université de Louvain : il avait compris ce que l'on peut attendre de l'exploration des monuments arméniens pour l'avancement de la science et des lettres chrétiennes.
Louvain, 13 juin i886.
(1) Je ne comprends pas dans le présent recueil mes deux mémoires sur la chronique de Thomas de Medzoph d'après le Ms. 96 de Paris et la copie de Jeux Mss. de Venise (Paris, 1856. — Bruxelles, 186o).
PRÉFACE | V |
TABLEAU DE LA LITTÉRATURE ARMÉNIENNE | |
§I. Langue et alphabet | 8 |
§ II. Trois périodes dans la culture littéraire de l'arménien | 14 |
§ III. Les premiers écrivains nationaux et les anciens traducteurs | 19 |
§ IV. Renaissance littéraire au temps des croisades | 30 |
§ V. Nouveaux centres d'études arméniennes dans les siècles modernes | 33 |
§ VI. Les arménistes européens | 40 |
HYMNOLOGIE ARMÉNIENNE. — Le Charagan | 46 |
I. LA TRANSFIGURATION DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST DANS L'OFFICE DES ARMÉNIENS | 59 |
H. DE L'INVOCATION DU SAINT-ESPRIT. — Hymnes traduites et commentées pour servir à l'histoire du dogme en Orient | 77 |
§ I. De la doctrine professée dans les hymnes de la Pentecôte | 81 |
§ II, De la composition des hymnes, de leur style et de leurs sources | 87 |
§ III. Des auteurs des hymnes de la Pentecôte | 89 |
§ IV. Hymnes du premier jour de la descente du Saint-Esprit | 93 |
§ V. Hymnes des quatre jours suivant le dimanche de la Pentecôte, composées par le patriarche Nersès IV | 99 |
§ VI. Hymnes du sixième et du septième jour de la Pentecôte, composées par Nersès de Lampron | 110 |
III. CANON DES FÉTES DE SAINT JEAN-BAPTISTE | 121 |
IV. CANON DES SAINTS APÔTRES PIERRE ET PAUL | 140 |
V. CONSTANTIN ET THÉODOSE DEVANT LES ÉGLISES ORIENTALES. — Étude tirée des sources grecques et arméniennes 155 | 155 |
§ I. Mémoire de Constantin-le-Grand dans l'Église grecque et dans l'Église arménienne | 157 |
§ II. Mémoire de Théodose-le-Grand dans l'Église arménienne | 177 |
VI. LA LÉGENDE DE SAINTE RHIPSIMA ET DE SES COMPAGNES MARTYRES | 192 |
VII. CANTIQUES EN L'HONNEUR DE VARTAN ET DE SES COMPAGNONS, GUERRIERS ARMÉNIENS MARTYRS DE LA FOI | 203 |
VIII. LES HYMNES FUNÈBRES. — PRIÈRES LITURGIQUES DE L'EGLISE ARMÉNIENNE POUR LES MORTS | 212 |
§ I. Chants funèbres du Charagan; de leur âge et de leur auteur; traduction des hymnes | 214 |
Hymne I | 216 |
Hymne II | 220 |
Hymne III | 222 |
Hymne IV | 225 |
§ II. Hymne de saint Nersès le Gracieux pour les morts, et cantiques complémentaires du Charagan | 229 |
§ III. Importance des chants funèbres dans le culte et la liturgie des Arméniens | 239 |
§ IV. La prière pour les morts et ses conséquences dans la confession de l'Église arménienne | 244 |
PATROLOGIE | 248 |
I. SAINT GRÉGOIRE L'ILLUMINATEUR, FONDATEUR DE L'ÉGLISE D'ARMÉNIE, ET L'UN DE SES PLUS ANCIENS ÉCRIVAINS | |
II. SAINT GRÉGOIRE DE NAREG. — NOTICE LITTÉRAIRE ET BIBLIOGRAPHIQUE | 256 |
III. LE PATRIARCHE NERSÈS IV, DIT SCHNORHALI OU LE GRACIEUX, ENVISAGÉ COMME ÉCRIVAIN | 267 |
HISTOIRE. DES PRINCIPAUX MONUMENTS DE LA LITTÉRATURE HISTORIQUE DE L'ARMÉNIE | 287 |
I. ÉLISÉE HISTORIEN DU Ve SIÈCLE | 299 |
§ I. Biographie d'Élisée 299 | 299 |
§ II. Histoire de la guerre des Arméniens contre les Perses sous Vartan | 301 |
§ III. Vues d'Elisée; mérites de son style | 304 |
§ IV. De l'intérêt des faits dans l'histoire d'Élisée ; l'esprit chrétien de la nation arménienne | 306 |
II. JEAN VI CATHOLICOS ET SON HISTOIRE D'ARMÉNIE | 317 |
§ I. Epoque de Jean VI. — Style de son ouvrage | 318 |
§ II. Sources de Jean VI sur l'histoire ancienne de l'Arménie. — Histoire détaillée de l'élévation des Pagratides et du règne des princes dont il fut contemporain | 322 |
§ III. Jean VI, historien du christianisme en Arménie | 329 |
III. CHRONIQUE DE MATHIEU D'ÉDESSE. — LES CHEFS BELGES DE LA PREMIÈRE CROISADE | 341 |
§ I. Mathieu d'Edesse et sa relation de la première croisade | 342 |
§ II. Faits et gestes de Godefroid de Bouillon et d'autres princes belges | 346 |
§ III. Baudouin Ier et ses successeurs sur le trône de Jérusalem | 359 |
§ IV. Des jugements de Mathieu d'Edesse sur les Franks | 368 |
IV. LES SOURCES ARMÉNIENNES POUR L'HISTOIRE DES MONGOLS EN ASIE JUSQU'A LA CHRONIQUE DE THOMAS DE MEDZOPH (XIIIe-XVe siècles) | 375 |
APPENDICE. — LA COMPOSITION HISTORIQUE CHEZ LES SYRIENS ET LES ARMÉNIENS | |
LA GRANDE CHRONIQUE SYRIAQUE DE GRÉGOIRE BAR-HEBREUS | 383 |
Table des matières | 401 |