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Anny ROMAND

L'auteur

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Actrice, scénariste, metteur en scène
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Rangement général
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 Ma grand-mère d'Arménie
Titre : Ma grand-mère d'Arménie / auteur(s) : Anny ROMAND -
Éditeur : Michel de Maule
Année : 2015
Imprimeur/Fabricant : Soregraph
Description : 10 x 18 cm, 123 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection : Je me souviens
Notes :
Autres auteurs :
Sujets : Génocide arménien -- Récits personnels
ISBN : 9782876236363
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

En rangeant des papiers de famille, Anny Romand découvre en 2014 un carnet inconnu. Écrit par sa grand-mère en arménien, français et grec, il retrace sur le vif la marche en 1915 d'un groupe de femmes et d'enfants arméniens sur les routes d’Anatolie, vers le désert et la mort. L'auteur a consigné l'indicible barbarie, ce qu'elle voit, ce qu'elle subit. Elle réussit à s'enfuir et après bien des aventures, elle finit par accoster à Marseille. A Anny, sa petite-fille qu'elle va élever, elle raconte indéfiniment la tragique aventure où ont été engloutis son bébé Aïda, son mari et tant d'autres membres de sa famille. Confrontant le souvenir de ces conversations et les terribles descriptions du carnet, Anny Romand revit l'infini malheur des arméniens à travers l'œil de la gamine qu'elle fut et de la femme qu'elle est. Mais elle évoque aussi les leçons de tolérance et d'amour que sa grand-mère n'a cessé de lui donner en évoquant la splendeur de l'Éden, nom que les arméniens avaient choisi pour leur patrie. C'est comment l'Éden ? C’est la question que posait Anny chaque soir à sa grand-mère. Ce livre est pour elle une manière d'y répondre à son tour, afin que ceux qui suivent se souviennent.

Article de Elisabeth Baudourian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 222, Octobre 2015

Durant le génocide, Serpouhi Kapamadjian décrit dans un carnet la tragédie dont elle est le témoin et la victime. Ce précieux et bouleversant témoignage retrouvé l'an dernier par sa petite-fille, Anny Romand, vient d'être édité, enrichi des souvenirs de la comédienne marquée à jamais par les confidences de sa grand-mère.
Ranger des affaires à la mort d'un proche est un moment douloureux mais qui réserve parfois de belles surprises. Quelques années après la mort de son oncle Jiraïr, la comédienne Anny Romand découvre un vieux carnet qui appartenait à sa grand-mère Serpouhi Kapamadjian. Soixante-dix pages rédigées en arménien, en français et aussi en grec dans lesquelles elle décrit la tragédie dont elle est la victime et le témoin durant le génocide. Anny Romand est bouleversée par cette découverte car elle a été très proche de sa grand-mère. Elles ont vécu toutes deux durant quelques années dans le même appartement parce que la petite fille était de santé fragile et que sa mère travaillait. Un lien très fort, empreint de tendresse et de complicité, au point qu'Anny Romand a les larmes aux yeux lorsqu'elle évoque sa grand-mère, un soir de septembre, à la terrasse d'un café du XIVe arrondissement de Paris. « J'ai huit ans et elle me raconte ses souffrances car ma mère et mon oncle ne veulent plus entendre parler de ce passé si douloureux. Ils ont tourné la page. Alors, c'est à moi qu'elle confie ses peines et je bois ses paroles », se souvient-elle. Des confidences certainement lourdes à porter pour une petite fille de huit ans mais Anny Romand balaye la remarque: «Je lui en sais très gré. Grâce à elle, je sais d'où je viens. C'est une histoire qui fait partie de moi. Ma grand-mère m'a donné beaucoup de force, elle m'a ouvert les yeux sur la vie », confie-t-elle.

La parole directe d'une rescapée
Aux yeux de la comédienne, c'est même un privilège que d'avoir entendu la parole directe d'une rescapée du génocide et la découverte de ce carnet réveille en elle les jours passés aux côtés de sa grand-mère : « Il fallait que je livre ce témoignage », explique Anny Romand qui depuis longtemps cherchait à évoquer à la fois ses souvenirs et l'expérience vécue par sa grand-mère. La découverte de ce carnet fut le déclic. « C'est ma grand-mère qui m'a aidée en m'envoyant de l'au-delà ses écrits. » Le carnet est très abimé, il manque les premières pages mais celles qui restent sont d'une belle écriture car Serpouhi, née en 1893 dans une famille de la bourgeoisie de Samsun, sur les bords de la Mer Noire, a eu le privilège d'apprendre à lire et à écrire non seulement l'arménien mais aussi le français dans une école de Nazareth en Palestine où travaillait son père, ingénieur dans la construction ferroviaire. Elle avait également une bonne connaissance du turc et du grec. La mort prématurée de son père alors qu'elle n'est âgée que de treize ans entraine de graves difficultés financières pour la famille qui, deux ans plus tard, marie la jolie adolescente avec un riche négociant en tabac installé dans le grand port de Trébizonde.

Serpuhi donne son fils Jiraïr
En 1915, le couple a un fils de quatre ans et une fille de quatre mois quand son mari est emmené avec les autres hommes de la ville. Personne ne les reverra. « Sa fille est morte dans un hôpital de la ville par un biberon empoisonné », indique Anny. Comme d'autres, Serpouhi et son fils Jiraïr prennent le chemin de la déportation. « Nous arrivâmes à Erzincan en vingt-cinq jours. Quelque chose se passait chaque jour, chaque jour les villageois tuaient. Nous marchions sans but, six heures par jour, sans manger ni boire », écrit Serpouhi dans son carnet. Pour lui donner une chance de survivre, elle se résout à confier son fils à des paysans : «Je fermais mes yeux pour ne pas voir, pour ne pas entendre ses pleurs et ses cris qui frappent de ses petits pieds son désespoir, lorsque le gendarme l'a pris de mes bras ». Consciente que cette marche forcée la conduit tout droit vers la mort, elle parvient à s'évader du convoi et rejoint les côtes de la Mer Noire où elle se cache pendant deux ans. En 1918, elle rejoint quelques rescapés de sa famille à Constantinople et, grâce à son oncle, réussit à retrouver son fils Jiraïr, après près de quatre ans de séparation. « Bien des années plus tard, ma grand-mère restait traumatisée par cet abandon. Très souvent elle me disait "Je l'ai donné, tu comprends, je l'ai donné parce je voyais qu'on allait mourir", confie Anny Romand très émue par cette évocation. C'est un acte très fort et très éclairant que d'abandonner l'être que l'on aime le plus au monde pour le sauver », poursuit-elle. En 2008, son oncle Jiraïr, âgé de 98 ans, s'éteindra dans ses bras et c'est en rangeant ses affaires, quatre ans plus tard, que la comédienne trouvera le précieux carnet de sa grand-mère.

Les souvenirs d'Anny à huit ans
Dans son ouvrage qui vient de paraitre dans la collection « Je me souviens », la comédienne alterne les pages du carnet avec ses souvenirs de petite-fille et ses conversations avec sa grand-mère. Anny Romand a huit ans et restitue leur intimité : « Grand-mère regarde souvent derrière elle pour voir si quelqu'un la suit. Non, je ne vois rien. Elle est un peu bizarre. Je la défendrai toujours contre les bandits, parce qu'elle a vécu avec des bandits tout autour d'elle et il fallait qu'elle se cache tout le temps. Elle me raconte et elle pleure. C'est triste et je la console. ». Mais il y a aussi des moments de bonheur. La petite fille et la grand-mère sortent tous les jours, vont au cinéma, à la plage... Le carnet s'achève sur le départ de Serpouhi et son fils pour la France. Après Marseille, ils s'installent à Paris. Les 120 pages sont illustrées de photos de famille qui permettent de mettre un visage sur les personnages du livre. Mais il manque au lecteur un élément: la naissance sur le sol français de la fille de Serpouhi, Rosette, qui donnera le jour à Anny. Avec une pudeur tout orientale, la comédienne explique: «Ma grand-mère a rencontré un homme avec lequel elle a fait un enfant, ma mère, mais il la quitte et sort de l'histoire familiale. Elle a donc élevé seule sa fille ». C'est de cette grand-mère qui l'a élevée, que la petite fille a appris la liberté.
« Elle me disait : "Tu dois faire des études et avoir un bon métier pour que tu ne dépendes pas d'un homme"» se souvient Anny Romand qui appliqua ses conseils à la lettre. Après des études supérieures, elle devient comédienne. Cinéma, télévision, théâtre, elle enchaine les rôles et épouse le comédien Pierre Santini avec lequel elle aura une fille, Adriana. Le livre est dédicacé à sa petite-fille, Alicia Belle. « Elle est plus Arménienne que moi puisque son père est Pascal Légitimus! », affirme celle qui est à l'origine même de la rencontre du couple qui se produit en 2003, sur le tournage d'un téléfilm dans lequel Anny Romand a pour partenaire Pascal Légitimus. « C'est drôle, non ? Je suis ravie et ma petite-fille est une merveille avec un mélange aussi extraordinaire des deux côtés », se réjouit la grand-mère qui a été élevée au grade d'Officier de l'Ordre Royal de l'Étoile Polaire par le roi de Suède pour avoir honoré les écrivains ayant reçu le Prix Nobel de Littérature à travers « Une saison de Nobel ».

Une saison de Nobel
Depuis 2006, Anny Romand organise, à Paris et en province, une soirée au cours de laquelle une personnalité du monde littéraire ou des médias présente un auteur, puis vient la lecture en français d'un des romans par une comédienne ou un comédien, accompagné d'un acteur qui lit quelques passages dans la langue d'origine de l'écrivain. Parmi les auteurs honorés : Patrick Modiano, Mario Vargas Liosa, José Saramago, Albert Camus, Orhan Pamuk mais aussi des auteurs oubliés qu'Anny Romand, à travers « Une saison de Nobel », permet de redécouvrir. Une énergie qu'elle dit devoir à cette grand-mère adorée. « Sur cette terre, on ne doit pas dire: je suis faible et je ne résiste à rien, ni à aucune difficulté. La constitution humaine est capable d'endurer toute sorte de choses », écrit Serpouhie à la fin de ses carnets. « Je remercie ma grand-mère de m'avoir transmis sa force. C'est mon seul héritage », conclut Anny Romand.

Elisabeth Baudourian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 222, Octobre 2015


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