Hiver 1956. Dans le sud de la France, Anna, une fillette arrivée du Liban vit ses premiers mois d'exil. Un soir de pluie, elle rencontre un homme, lui aussi étranger, fragilisé par la perte de son métier de relieur, suite à une mutilation. Anna lui rappelle Anouche, la fille de sa nourrice arménienne qui a été enlevée puis déportée en Turquie sous ses yeux de gamin à l'âge de neuf ans. Cette coïncidence lui donne l'impulsion d'enquêter sur la disparition d'Anouche pour enfin apprendre la vérité. Un superbe roman sur l'exil et la beauté du sud en hiver, avec la neige sur les oliviers et en toile de fond, le souvenir nostalgique de la mer Noire.
Article Claire Barbuti, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 230, Juin 2016
À la manière de la petite fille confuse au début du récit par un déménagement dans le Sud de la France loin de son Beyrouth natal, le lecteur peut être dans un premier temps confus face à l'incipit in medias res de « La Ville haute », écrit par Éliane Serdan. Mais, très vite, son style fluide et sa capacité à décrire parfaitement les pensées des personnages piquent le lecteur qui se laisse embarquer dans le récit, celui de la rencontre de la petite fille avec un quinqua, lui aussi étranger. Sa jeune voisine lui rappelle Anouche, la fille de sa nourrice arménienne, qui a été enlevée sous ses yeux d'enfant. Cette coïncidence l'incite à enquêter sur cette disparition ancienne qui continue de le hanter.
Un personnage inspiré d'un Arménien de Beyrouth
«Au commencement, il y a eu un rêve, explique l'auteure libanaise Éliane Serdan. Dans ce rêve j'étais encore petite fille et je marchais dans les rues de la vieille ville où j'ai passé mon enfance ». Le décor onirique est posé pour celle qui n'aime pas le réalisme. «Puis, la nécessité de créer un deuxième personnage, lui aussi exilé et solitaire s'est imposée », se souvient Éliane Serdan. Inspiré d'un Arménien qu'elle croisait enfant en passant par le quartier arménien de Beyrouth, elle créé un personnage de Français d'origine, né en Turquie, ayant été témoin d'une scène du génocide arménien enfant et qui l'a psychologiquement détruit. Mais l'écriture n'a pas été facile pour l'auteure, qui connaissait finalement peu de chose sur le sujet. « J'ai donc lu et « Le tigre en flammes » de Peter Balakian m'a empêchée de dormir. Je dois avouer que jamais je n'aurais pu imaginer des horreurs pareilles. Si le mot « compassion » a un sens, c'est bien pour dire l'élan fraternel que l'on ressent face à une telle barbarie. Je suis restée quelque temps sans pouvoir écrire, me demandant comment rendre compte de scènes que les survivants eux-mêmes n'avaient pu raconter ». Éliane Serdan a finalement trouvé le ton juste, pour « La Ville haute », un roman sur l'exil, sur fond de couleurs, odeurs et sonorités arméniennes.
Claire Barbuti