Béatrice YERETZIAN

« Bientôt cinquante ans, mon frère adoré, du jour, plutôt la matin d'un jour brumeux, où nous étions à la porte de notre maison de Brousse, maman, notre cadet Hemayag, toi et moi. Nous ne parlions pas beaucoup; tu étais toujours triste aux départs, maman ne savait cacher ses larmes, la peine qu'elle éprouvait en te laissant partir toutes les fois nous semblait à nous petits plus profond vu ce qu'elle aurait éprouvé pour nous, mais nous, nous ne l'avions jamais quittée; tandisque toi, tu partais souvent depuis les années de Médecine a Beyrouth, et quand tu revenais pour les vacances, tu avais quelquefois à aller voir tes grand'père et oncles aux bords de la Mer Noire; tu nous disais qu'il fallait y aller; c'est ce que nous ne comprenions pas. Ils n'étaient rien pour nous, oh, oui ils étaient un cauchemar, ils avaient été méchants avec maman et aussi avec toi, et c'est ce qui nous tourmentait le plus; nous t'aimions tant nous, quel besoin y avait-il d'aller voir des gens qui avaient été méchants avec les êtres à nous chers; maman et toi; et pourquoi ces longs entretiens auxquels nous ne prenions point part? Je me rappelle avoir pleuré amèrement quand une de tes cousines m'avait dit que tu étais aussi son frère, incompréhensible pour ma tête d'enfant de sept ans! »