Paul Jules Antoine Meillet (1866-1936) est le principal linguiste français des premières décennies du XXe siècle.
Elève d'Eugène Carrière, il a suivi les cours de Hübschmann en Autriche, puis chez les Mékhitaristes de Vienne, de 1890 à 1891. Il ira à Tiflis puis Etchmiadzine, puis chez les Mékhitaristes de Venise dont il deviendra membre de l'Académie de Saint-Lazare.
Antoine Meillet devint maître de conférences à l’École pratique des hautes études où il formera un de ses meilleurs élèves, Hratchia Adjarian qui sera un des meilleurs linguistes arméniens du XXe siècle. Il sera professeur d'arménien de 1902 à 1906 à l'Ecole des Langues orientales.
En 1906, il est élu au Collège de France à la chaire de grammaire comparée où il enseigne pendant trente ans et, en 1925, est nommé président de la IVe section de l’École pratique des hautes études. Ses études de grammaire comparée l’amenèrent à s’intéresser à la notion d’indo-européanisme, et il publia, dès 1903, une Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes. Suivirent une série d’ouvrages sur les langues qu’il aborda dans le cadre de son enseignement, comme par exemple Le Slave commun (1914), Grammaire du vieux perse (1915), Caractères généraux des langues germaniques.
Si Antoine Meillet s’est intéressé à l’enseignement de Ferdinand de Saussure (qui posa les fondements d’une analyse des structures internes de la langue), il a cependant inscrit ses travaux dans la lignée durkheimienne, ce qui a fait de lui l’un des premiers sociolinguistes français.
D'aspect sévère et un peu distant, il figure dans tous les comités arménophiles et il sera un actif participant de la "Délégation nationale arménienne devant la Conférence de la Paix". Il devint le fondateur, avec Charles Diehl et Frédéric Macler de la première "Revue des Etudes Arméniennes" durant 10 ans. Ce fut lui qui déclara que la langue arménienne était parfaite.
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Meillet a 24 ans lorsqu’il part en mission de terrain de trois mois (mai-juillet 1891) en Arménie caucasienne. Il séjourne d’abord dans la communauté arménienne de Tiflis (Tbilissi, Géorgie) où il apprend l’arménien moderne, avant de se rendre à Erevan puis à Etchmiadzine et à Aschtarak, dans la plaine de l’Ararat, où il observe une langue en pleine effervescence, éclatée entre dialectes et soumise aux influences du persan, du russe, de l’arabe et du turc. Parallèle à son journal, on possède une abondante correspondante (29 avril - 3 août), naturelle et enjouée, avec sa cousine Berthe Esbaupin.
Meillet renouvelle l’expérience douze ans plus tard (juillet-août 1903), pour étudier les manuscrits des Évangiles de la bibliothèque du couvent d’Etchmiadzine, toujours aussi ignorant – ou indifférent – aux menaces qui pèsent du côté turc sur le peuple arménien. Ce second journal de voyage est ici réédité par Anne-Marguerite Fryba-Reber.
Dans ces journaux et cette correspondance, on découvre un Antoine Meillet paradoxal, peinant à apprendre et à parler l’arménien moderne, choqué par la vie rustique de ses hôtes, parlant du Caucase comme d’un « pays de sauvages » et rêvant « de beefsteak avec des pommes de terre frites ».
L’ouvrage est complété par la reprise de l’article de Charles de Lamberterie sur la « loi de Meillet ».