Naissance en 1869 à Constantinple (Turquie), décès en 1926 au Caire (Egypte).
Photo inédite et signature : Documents transmis par les Éditions Parenthèses
Yervant Odian est né en 1869 à Constantinople dans l’une des familles arméniennes les plus prestigieuses de Constantinople. Son oncle paternel, Krikor Odian (1834-1887), a été l'un des rédacteurs de la Constitution nationale arménienne (1863) et, aux côtés de Midhat Pacha, de la Constitution ottomane (1876) suspendue par Abdulhamid II après le Congrès de Berlin (1878). Contraint à l'exil, il mourra à Paris. Le père de Yervant, Khatchig Odian, a été diplomate, publiciste et traducteur (de Victor Hugo), sa mère, Makrouhi Aslanian, est issue d'une famille non moins honorable. Enfant choyé, le jeune Yervant fréquente brièvement le collège Berbérian. Il y acquiert les bases et la passion de la langue arménienne, puis apprend le français grâce à un précepteur et dévore le contenu de la bibliothèque paternelle. Autodidacte cultivé, esprit critique doté d'un humour corrosif, ce fils de famille délaisse l'administration et le commerce pour la carrière incertaine d'écrivain et de journaliste arménien. Il collabore aux meilleurs périodiques de Constantinople « Massis », « Manzume-i Efkia »r (1), avant de succéder à son maître ArpiarArpiarian (1851-1908) à la direction de « Haïrénik ». Les massacres arméniens de 1894-1895 l'horrifient. Il s'enfuit le jour de la prise de la Banque ottomane par un commando dachnak 26 août 1896). Commence alors une longue errance qui le mènera de France en Égypte, relatée dans « Douze années loin de Constantinople » (1912). La révolution Jeune-turque, la restauration de la Constitution de 1876, le ramènent à Constantinople où, poussé par le besoin d'agir et de gagner sa vie, il multiplie les publications et acquiert la popularité avec « Abdul Hamid et Sherlock Holmes » (1911), un polar à la manière de Gaston Leroux. De 1909 à 1914, seul ou avec son ami Aram Andonian et le satiriste Krikor Torossian, il publie malgré la censure et les difficultés financières des journaux satiriques « Kharazan », « Karafrad », « Kiko », « Kadak », « Mananah ».
Le nom de Yervant Odian est lié à l'immense succès de « Arakéloutouinm i Tzablvar. Enkèrvaragan namagani enkèr B ».Pantchouni (« Une mission à Tzablvar. Correspondance socialiste du camarade B. Pantchouni »), Pantchouni signifiant «qui n'a rien», une satire féroce des partis arméniens de l'empire ottoman se réclamant du socialisme, à savoir le Parti hintchak et le Parti dachnak. Ce roman épistolaire est publié en 1912 sous forme de feuilleton dans le très conservateur quotidien arménien de Constantinople, « Buzantion », dont il fait exploser les ventes, avant de faire l'objet d'une édition séparée en 1913. Dédié à la mémoire de l'écrivain Arpiar Arpiarian (1851-1908), assassiné au Caire, l'ouvrage d'Odian met au pilori les partis révolutionnaires arméniens, leur tactique et leur idéologie socialiste, démolit leur légende héroïque (mouvement fédaï, terrorisme, manifestations, soulèvements) et inaugure, sur le mode satirique, une école de pensée tendant à imputer à l'action de ces partis la responsabilité du Génocide.
En février 1914, encouragé par le succès, il entreprend, toujours dans « Buzantion », une suite, « Le camarade Pantchouni dans le Vaspouragan ». Avec le même procédé comique, il s'attaque à une question qui agite alors les Arméniens de Van : celle de l'émancipation féminine.
Déporté en septembre 1915, il a survécu à son odyssée qui l'a conduit à Deir es Zor et en Mésopotamie. A son retour à Constantinople en novembre 1919 avec un gamin arménien recueilli, il participe à la brève renaissance culturelle arménienne. Après la victoire kémaliste (1922), il reprend le chemin de l'exil qui le conduira en Roumanie, au Liban puis au Caire où il meurt en 1926 après avoir publié une satire prémonitoire, « La Diaspora arménienne ».
Journal publié en turc et rédigé en caractères arméniens.
France-Arménie, numéro 360, du 16 au 30 avril 2010
Publiciste, nouvelliste, romancier et auteur satirique, il a laissé une œuvre très abondante. Les deux genres dans lesquels il a eu le plus de succès sont le roman et la satire. La qualité de son œuvre ne réside pas dans la forme: faisant paraître ses écrits en feuilletons, il soignait assez peu son style et n'évitait pas toujours les redites, mais la spontanéité, l'imagination, les qualités d'observation et la finesse de la satire font de la plupart de ses écrits des œuvres de valeur.
Frédéric Feydit