La thèse d'Adontz, parue en 1908, est un ouvrage magistral qui n’a cessé de servir de guide dans les études concernant l'histoire de l'Arménie- Mais, publié en russe, sans doute est-il plus souvent cité qu'il n'est lu, d'autant plus que l'édition originale est devenue rare. Le livre est plus riche que ne le donne à penser le titre, volontairement limité. Le choix de la période considérée s'explique par l'importance évidente du siècle de Justinien dans l'histoire byzantine, mais aussi parce que c'est au vie siècle que commencent les relations étroites entre l'Arménie et l'Empire byzantin, relations qui affecteront, au cours de l'histoire, autant Byzance que l'Arménie elle-même. Les réformes profondes entreprises par Justinien dans l'Arménie byzantine visaient à la romanisation du pays et, pour atteindre cette fin, à la destruction du système féodal, politico-social, de « nahararq ». C'est ce système qui, selon N. Adontz a constitué l'élément national fondamental, plus, du moins à l'époque ancienne, que le facteur religieux, comme on le croit communément. Mieux respecté dans la Persarménie, il s'est maintenu jusqu'aux invasions mongoles, et même au-delà. Adontz en a étudié aussi complètement que possible, la structure, en remontant jusqu'à l'époque de sa formation, sous les Arsacides.
Le livre, depuis plus de soixante ans, a nécessairement vieilli ; certaines des idées d'Adontz ont été discutées ; en particulier, l'assimilation qu'il faisait du système naharar au système féodal de l'Occident est rendue fort contestable par les récents travaux des médiévistes. Une révision était donc nécessaire, sans toutefois porter atteinte ù la nature du livre. Tâche difficile, dont Mme Garsoïan, la nouvelle éditrice, s'est fort bien acquittée.
Le livre est maintenant en anglais, ce qui élargira considérablement le cercle de ses lecteurs, du moins faut-il l'espérer. Le texte d'Adontz a été intégralement respecté- Les modifications et surtout les additions qu'y a apportées la traductrice ont eu pour but de le mettre scientifiquement à jour. Dans les notes, les références à des éditions maintenant périmées ont été remplacées par des références aux éditions modernes ; la traductrice a ajouté des notes, dûment signalées, faisant état de travaux qui, sur un point donné, complètent ou mènent à corriger l'expose d'Adontz. Un des grands mérites du livre étant d'être une mine considérable d'informations puisées à des sources très diverses et souvent difficiles d'accès, Mme Garscoïan a fait un gros effort pour maintenir et même accroître sa valeur documentaire. Dans quatre appendices elle a donné, dans leur texte original, les documents grecs et arméniens utilisés. Un cinquième appendice remplace, dans une certaine mesure, la carte qu'Adontz avait annoncée et qui n'a malheureusement jamais été publiée : il fournit une liste des équivalences des sites anciens et des noms modernes, dans la mesure où ces équivalences peuvent être établies ; cette liste est fort précieuse, cap on sait combien difficile est la toponymie arménienne. Enfin la bibliographie d'Adontz a été mise à jour ; elle est précédée d'une substantielle « Note bibliographique » qui, dans les différents secteurs auxquels touche Je livre, signale les principaux travaux publiés dans ce dernier demi-siècle, À la fin, l'index des noms de personnes a été enrichi et un index des termes techniques a été ajouté. Le volume du livre se trouve, du fait de ces additions, presque doublé ; c'est dire le gros labeur que s'est imposé l’éditrice-traductrice, ce dont arménisants et byzantinistes lui sauront certainement gré.
A. GUILLAUMONT,
Revue de l'histoire des religions Année 1972 182-1 pp. 103-104