A ce jour, SARIAN (1880-1972), l'un des plus brillants et originaux coloristes du XXe siècle, ne jouit pas d'une grande notoriété en Occident, alors que son autorité et sa popularité sont immenses en Russie. Il est de ceux qui, au début du siècle passé, jetèrent les fondements de l'Avant-Garde Russe. Après la Révolution, il n'émigre pas comme beaucoup de ses collègues russes. Bien qu'à la période soviétique les oeuvres de Sarian soient souvent présentées dans les expositions internationales, on n'y voit pas les splendides découvertes de sa jeunesse. Le public européen a pu l'apprécier pour la première fois au cours des ses expositions personnelles au Centre Pompidou (1980), puis au Musée Picasso d'Antibes (2003). Martiros Sarian appartient à la pléiade des novateurs qui ont dévoilé et affirmé au début du XXe siècle les possibilités d'expression de la couleur pure. Cette couleur prend sa source dans la nature de l'Orient, plus particulièrement de l'Arménie. Dans ses tableaux, les recherches les plus modernes de la peinture russe et française sont étroitement mêlées aux traditions séculaires de l'art arménien ; cela a fait naître un " style Sarian " spécifique.
Autre commentaireThalia, maison d'édition parisienne, nous a fait une belle surprise en publiant un volume consacré au grand représentant de la peinture arménienne, Martiros Sarian. Sarian n'est certes pas un inconnu en France, où plusieurs expositions individuelles lui ont été consacrées, en 1928 (Galerie Girard), en 1980 (Centre Beaubourg), en 1984 (Centre international des Arts), en 2003 (Musée Picasso d'Antibes). Ces expositions, qui constituent le meilleur témoignage de la diffusion et de l'appréciation de son art, ont fourni l'occasion de la publication de catalogues. Cette fois en revanche, les amateurs d'art trouveront dans un volume soigneusement imprimé l'ensemble des meilleurs dessins et peintures de Sarian, de 1902 à 1972.
Sa vie, son œuvre
Ce volumineux ouvrage comprend aussi d'intéressants jugements de Sarian sur l'art, des extraits de sa correspondance, des poèmes symboliques en prose, de nombreuses photographies illustrant sa vie. Le lecteur pourra aussi se familiariser avec les jugements de célèbres personnalités contemporaines du peintre, russes ou arméniennes aussi bien que françaises, américaines, italiennes...
Tout ce matériel a été choisi et mis en place dans le livre par l'historien de l'art Chahen Khatchatourian, directeur-fondateur du Musée Sarian durant l'existence du peintre, et directeur de la Galerie nationale d'Arménie. Le lecteur pourra également prendre connaissance de l'étude de Chahen, où sont présentées la vie et l'œuvre du peintre à travers d'intéressantes analyses. C'est lui qui avait organisé à Paris en 2007, au Musée de la Marine, l'exposition du peintre arménien de la mer Hovhannès Aïvazovski, dont le livre-catalogue avait déjà à l'époque été publié par les soins de Thalia. Prenant alors connaissance du projet de Chahen, l'éditrice a décidé de se charger aussi de cette publication concernant Sarian, figure exceptionnelle de la peinture du XXe siècle et chantre original de la couleur et de la lumière ; un maître dont la peinture du début du siècle était restée ignorée du reste de l'Europe durant toute la période soviétique. Il n'est dès lors pas étonnant que la valeur des œuvres de Sarian soit en hausse constante.
Présenter le Beau
La présentation si soignée de ce livre reflète l'approche chaleureuse de la directrice de Thalia, Aleksandra Sokolov, et de la graphiste Aurore Markovski, leur désir sincère de « bien présenter le beau ». N'oublions pas d'attirer l'attention du lecteur sur les préfaces de la ministre de la Culture d'Arménie, Hasmik Poghossian, et du directeur du Musée Picasso d'Antibes, Jean-Louis Andral. Dans leur concision, elles n'en trahissent pas moins la vivacité des liens culturels franco-arméniens. Illustrons notre plaisir et notre gratitude avec ces quelques mots de Louis Aragon publiés dans l'album : « La lumière d'Arménie nous atteint grâce à Martiros Sarian. Lumière enfin dégagée des larmes qui brouillaient la voix des poètes de Naïri, lumière enfin heureuse sur les fruits, les hommes, les montagnes, elle est un trésor retrouvé [...] si bien que les siècles, à côté de notre Cézanne et de notre Matisse, placeront Sarian à la première place, au-dessus des peintres fêtés, car il est un peintre du bonheur ».
Claude Mutafian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 155, septembre 2009