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Bibliothèque de l'Église apostolique arménienne - Paris
15, rue Jean-Goujon - 75008 Paris || Père Jirayr Tashjian, Directeur
Téléphone : 01 43 59 67 03
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Marc NICHANIAN
( n. 1946 )

L'auteur

Marc NICHANIAN --- Cliquer pour agrandir
Naissance en 1946 à Paris (France)

Diplômé de l’École des Langues Orientales pour l'arménien (1970) et docteur en philosophie (1979).
Il a enseigné la littérature arménienne de façon "itinérante", à Paris, Vienne, Los Angeles et Jérusalem.
Il est depuis 1980 le rédacteur de "Gam" ("Ou bien..."), revue de littérature arménienne et d'analyse en langue arménienne.

Il vit actuellement à Lisbonne. Jusqu’en 2007, il était professeur d’études arméniennes à l’Université Columbia de New York, après quoi il a enseigné régulièrement comme professeur invité à l’Université Sabanci d’Istanbul, dans le programme de Cultural Studies (2008-2014) et, plus récemment, à l’Université américaine d’Arménie (2016-2018).

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 Krikor Beledian et la littérature arménienne contemporaine
Titre : Krikor Beledian et la littérature arménienne contemporaine / auteur(s) : Krikor BELEDIAN -
Éditeur : Presses de l'Inalco
Année : 2021
Imprimeur/Fabricant : 93-La plaine saint-Denis : Impr. Isi print
Description : 16 x 24 cm, 412 pages, couverture illustrée en couleurs
Collection :
Notes :
Autres auteurs : Valentina CALZOLARI [contribution] - Catherine COQUIO [contribution] - Anaïd DONABEDIAN [directeur] - Haroutioun Léon KURKJIAN [contribution] - Marc NICHANIAN [contribution] - Anahide TER MINASSIAN [contribution] - Monseigneur Norvan ZAKARIAN [contribution] -
Sujets :
ISBN : 9782858313822
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Krikor Beledian est un auteur majeur de la littérature arménienne contemporaine, écrivant en arménien occidental et vivant en France (maître de conférences à l'Inalco jusqu'en 2012). Ce volume est le premier volume scientifique international consacré à son œuvre. Il fait suite au colloque international qui s'est tenu à l'Inalco en septembre 2015.

Table des matières

Avant-propos (texte français)5
Janus à deux visages (texte arménien)9
Notes de journal (texte arménien)15
Krkor Bélédian et la littérature arménienne contemporaine (texte français), par Catherine Coquio et Krikor Bélédian29
RENCONTRES
Ma rencontre avec Krikor Bélédian, détenteur et traducteur d'une culture perdue à transmettre ( (texte français), par Jaine Altounian59
Devenir soi chez l'autre : une approche de la question du moderne chez Krikor Bélédian (texte français), par Gérard Malkassian78
Krikor Bélédian et l'Écriture de la catastrophe (texte arménien), par Valentina Calzolari95
L'œuvre de Krikor Bélédian dans la revitalisation de l'arménien occidental (texte arménien), par Jennifer Mannoukian119
La traduction des œuvres de Krikor Bélédian (texte arménien), par Sonia Bekmezian131
AUTOUR DE LA SPÉCIFICITÉ LITTÉRAIRE
Lire (texte français), par Anahide Ter Minassian145
La langue coupée (texte français), par Nathalie Karamanoukian165
L'ÉTHIQUE DE L'ÉCRITURE
La poésie comme topographie (texte arménien), par Mgr Norvan Zakarian191
Le temps d'une légitimation (texte arménien), par Haroutiun Kurkjian191
Le retour éternel (texte arménien), par Marc Nichanian255
Un écrivain, une communauté obsolète, une langue (texte arménien), par Hagop Gulludjian
AUTOUR DES QUESTIONS LITTÉRAIRES
La parole, oiseau migrateur (texte arménien), par Gurgen Arzumanyan315
La littérature au travail / Écrire, un travail (texte arménien), par Siranush Dvoyan329
La question du style dans les récits de Krikor Bélédian (texte arménien), par Raffi Ajemian367
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 385
LES AUTEURS419


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 Le sujet de l'histoire
Titre : Le sujet de l'histoire / auteur(s) : Marc NICHANIAN - Vers une phénoménologie du survivant
Éditeur : Lignes
Année : 2015
Imprimeur/Fabricant : Impr. en Bulgarie
Description :
Collection : Fins de la philosophie
Notes :
Autres auteurs :
Sujets : Victimes -- Philosophie -- Philosophie de l'histoire
ISBN : 9782355261411
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Si le cœur de l’évènement est l’élimination du témoin, il ne peut pas être question de témoigner de ce qui est arrivé au cœur de l’évènement. En d’autres termes, il ne peut pas y avoir de relation humaniste à la Catastrophe. Et, inversement, aucun témoignage entendu en termes humanistes ne peut rendre compte de la Catastrophe.
Comment parler de l’expérience du témoin mort ? C’est la question que se pose et pose ce livre. Comment en parler lorsque le seul langage dont nous disposions est celui du sujet (sujet de l’histoire et de la vérité historique). Il semble que nous n’ayons aucun langage pour l’expérience du témoin mort et du crime sans vérité. C’est donc le sur-vivant post-catastrophique qui est soumis ici à une triple épreuve. La première épreuve est celle de la philologie. Elle oppose ou juxtapose le survivant comme relique à la figure du natif, cette créature par excellence de la philologie, instituée par cette dernière comme un vestige, comme le témoin de sa culture et déjà comme le survivant de son propre désastre. La seconde épreuve est celle de la traduction. Elle fait apparaitre la langue survivante dans l’espace des traductions, en organisant une confrontation entre la traduction « potentialisante » des romantiques et l’opération qui consiste à traduire dans une langue vivante comme si elle était morte. La troisième épreuve est celle de l’image et de la « ressemblance mortuaire ». Au bout du compte, il s’agit de libérer le survivant des discours historisants et juridiques qui ont cours à propos des « tragédies holocaustiques » du siècle dernier. Ces discours, quoique inévitables, sont une insulte à la figure même du survivant, parce qu’ils méconnaissent fondamentalement la nature de l’évènement catastrophique.

Extrait de la préface :
"Le génocide n’est pas un fait. Ce n’est pas un fait parce que c’est la destruction même du fait, de la notion de fait, de la factualité du fait. Il n’en faut pas douter : les perpétrateurs étaient des philosophes puissamment armés. Ils savaient immédiatement (à leur manière bien sûr, car c’étaient aussi des criminels) ces choses que nous commençons seulement à discerner, ces choses que nous découvrons aujourd’hui peu à peu, en tâtonnant dans l’obscurité, à propos de la destruction de la notion même de fait, à propos de l’élimination du témoin, et maintenant à propos de la stricte équivalence entre l’une et l’autre. Je répète donc : ce ne sont pas les faits qu’ils voulaient détruire, en effaçant les traces de leurs invraisemblables méfaits. Non, ils voulaient bel et bien détruire la factualité du fait et ils ont parfaitement réussi dans leur entreprise. Or je vois bien, à l’usage, que c’est là quelque chose qui est excessivement difficile à comprendre et encore plus difficile à admettre. Comment puis-je affirmer une chose pareille ? Cette « chose », terrible en effet, met à mal tout ce que nous savons (ou croyons savoir) de l’histoire, de l’histoire qui s’écrit et de l’histoire qui se fait. Il est impossible que l’historiographie s’en remette, à moins de se réviser elle-même entièrement. Et nous voyons bien qu’elle n’en prend pas le chemin. Comment le pourrait-elle, d’ailleurs, pour le dire honnêtement, puisque le perpétrateur a tout fait, dans l’antre secret de sa volonté, pour provoquer cette crise de l’historiographie, contre laquelle les historiens aujourd’hui se défendent comme de beaux diables, et n’en peuvent mais. […] Si le cœur de l’événement est l’élimination du témoin, il ne peut pas être question de témoigner de ce qui est arrivé au cœur de l’événement. En d’autres termes, il ne peut pas y avoir de relation humaniste à la Catastrophe. Et, inversement, aucun témoignage entendu en termes humanistes ne peut rendre compte de la Catastrophe. C’est ce que je vais expliquer, en adoptant, pour commencer, deux angles d’approche : le martyre et la torture. Mais alors, qu’allons-nous faire du témoignage, de ce que nous appelons aujourd’hui « témoignage », du récit de survivance, des compte rendus parfois hallucinés (et souvent hallucinants) de la survie, dans les camps ou sur les chemins de la déportation ? Cela restera jusqu’au bout une question irrésolue. Soyons clair, je vais le répéter de mille façons différentes : le survivant n’est pas le témoin. Il ne peut pas être le témoin de la mort du témoin en l’homme. Et s’il n’est pas le témoin, il risque fort d’être la négation de la mort du témoin, la figure par excellence du déni."


Article d’Isabelle Kortian, Nouvelles d’Arménie Magazine, numéro 223, Novembre 2015

Inutile de se voiler la face, Le Sujet de l'histoire est un livre difficile, mais remarquable. Son auteur, Marc Nichanian, est parvenu, grâce à une détermination sans faille, à imposer 1915 dans le débat philosophique et littéraire mondial. Il a ainsi ouvert d'immenses horizons. Pour les lecteurs des NAM, il revient sur le cheminement de son œuvre conséquente et précise les enjeux intellectuels majeurs de son dernier livre.

Nouvelles d'Arménie Magazine : De la Perversion historiographique au Sujet de l'histoire, vous portez la réflexion critique sur le témoin à son point d'incandescence. Pouvez-vous nous rappeler les étapes de la construction du paradoxe du témoin dans votre œuvre?
Marc Nichanian : Pendant des années, je n'ai pas voulu m'occuper de l'insulte que constitue l'emploi du mot de « génocide » pour le survivant. Ce n'est pas moi qui le dis, vous le savez, c'est Jean-François Lyotard, dans son livre Le Différend, où il parle explicitement de l'« insulte réaliste ». C'est le point de départ. Si on ne l'entend pas comme une insulte, alors il n'y a rien à faire. On renonce à tout, on renonce à penser, on renonce à soi-même, on renonce à comprendre l'évènement, on renonce à toute interrogation sur la nature même de l'évènement catastrophique. Mais on ne peut pas aborder ces questions de front. Je me suis donc longtemps occupé plutôt de l'écriture de la Catastrophe, en particulier avec le volume III de la série sur les écrivains arméniens du XXe siècle, Entre l'art et le témoignage (parue chez MétisPresse). Il s'agit du volume qui porte sur l'oeuvre romanesque et critique de Hagop Oshagan, dont vous avez bien voulu rendre compte en son temps. (Oshagan était obsédé par l'idée de témoignage, dans tous les sens du terme, et pourtant il n'est pas parvenu à écrire la troisième partie de son œuvre maîtresse, celle qui devait « s'approcher de la Catastrophe ».) Mais parallèlement à cela, il y avait les débats sur la place publique, en France même: les déclarations de Bernard Lewis et le procès qui lui a été intenté, l'affaire Veinstein en 1999, l'intervention du droit, puis l'effort inconsidéré pour pénaliser la dénégation, la naissance du groupe « Liberté pour l'histoire », enfin l'invraisemblable débat qui a eu lieu au Parlement en janvier 2012, et l'intervention du Conseil constitutionnel. À chacune de ces étapes, vous ne vous êtes pas sentie insultée, vous personnellement, insultée dans le tréfonds de votre être? Ne fallait-il pas, encore et encore, expliquer, que « le génocide n'est pas un fait », que « c'est la destruction même du fait» (ce sont les deux premières phrases de la Perversion). Ne fallait-il pas expliquer la crise de l'historiographie, et sa perversion, qui n'est pas uniquement le fait d'historiens pervers, mais qui tient à la nature même de l'histoire, parfaitement impuissante face au projet et à la volonté génocidaires, au projet et à la volonté de détruire le fait en tant que tel. Enfin, ne fallait-il pas expliquer que le témoignage des survivants témoigne de tout, des viols, des déportations, des morts en masse, mais certainement pas de la Catastrophe, s'il est vrai que la Catastrophe est le meurtre du témoin dans l'homme? Dans le livre de 2006, La Perversion historiographique (l'expression appartient à Jacques Derrida, qui parle aussi de la « crise holocaustique de l'historiographie »), la partie sur le témoignage et sur ce que vous appelez « le paradoxe du témoin » était déficiente. Il fallait donc remettre l'ouvrage sur le métier. Il fallait expliquer ce qu'est un « crime sans vérité », et il fallait bien sûr se demander ce que veut dire être le survivant d'un tel crime, d'un évènement qui n'est pas un fait. Quant aux apories du témoignage, je les avais longuement détaillées en postface du petit livre de 2013 publié aux éditions Garnier, L'Agonie d'un peuple, qui présente en traduction française le premier long témoignage publié après 1915, transcrit par Zabel Essayan et signé de son nom.
NAM : Vous débutez votre séminaire d'Istanbul au moment où survient un autre évènement public...
M. N. : C'est vrai: l'année même où j'ai commencé à donner des conférences publiques à Istanbul sur le thème « Littérature et Catastrophe », des intellectuels turcs de bonne foi (autant que je puisse en juger) avaient lancé un appel au pardon. Il fallait se demander au nom de qui ils demandaient pardon, et pour quoi ils demandaient pardon exactement. Étaient-ils conscients de la nature de l'évènement catastrophique? Y avait-il quelqu'un en face d'eux en mesure de pardonner? Savaient-ils quelle avait été l'expérience du survivant? Et questions supplémentaires : est-ce que la capacité de pardonner n'est pas ce qui fait l'humanité de l'homme? Est-ce que la Catastrophe n'est pas aussi l'éradication de cette capacité en nous, en nous-mêmes, et donc notre propre exclusion de l'humanité? Peut-on dès lors pardonner, si ce qu'il y a à pardonner est l'éradication de la capacité de pardonner? Vous admettrez avec moi que ce sont de graves questions. Je les ai abordées à ma façon. J'ai voulu montrer qu'il nous fallait enfin une « phénoménologie du survivant », aussi paradoxale que soit cette expression.
NAM : « De la mort on ne revient pas pour témoigner » écrivez-vous. Pourtant, l'histoire de l'extermination s'écrit à grand renfort de témoignages!
M. N. : Pour les Arméniens, il a fallu le livre magnifique de Raymond Kévorkian, pour voir un historien utiliser des témoignages afin de recomposer les évènements historiques dans leur continuité sur le terrain. Personne ne l'avait fait avant lui. Il était temps. Il fallait reconstruire étape par étape la mise en œuvre de la volonté génocidaire. La Catastrophe, c'est autre chose. Seule la littérature peut en dire quelque chose. Et j'ajoute ce que je sais depuis que j'ai écrit le livre sur Oshagan: la littérature ne peut en dire quelque chose qu'à travers son propre échec. Il faut faire parler cet échec, afin de pouvoir dire quoi que ce soit de la Catastrophe. C'est toute la difficulté. Mais ce n'est pas tout. Les Arméniens ont toujours été obsédés par le témoignage comme preuve. Ils ont rarement fait place au témoignage comme texte, c'est-à-dire à la parole même du témoin, dans sa chair. Qui s'intéressait aux Années maudites de Yervant Odian, avant sa publication en Arménie en 2005? Qui avait jamais entendu parler de L'Agonie d'un peuple, le récit de Hayg Toroyan transcrit par Zabel Essayan, avant que j'en offre une traduction française en 2013? Qui avait fait entendre la voix des survivants, comme venant d'un outre monde, avant que Krikor Beledian ne l'intègre et ne la fasse résonner dans son entreprise romanesque?
NAM : Le témoin, le survivant et le sujet de l'histoire: Comment articulez-vous ces trois figures?
M. N. : Essayons de dire cela en termes simples. Le « sujet » (le concept qui va avec le mot, et inversement) est une invention moderne. Elle date en gros de la fin du XVIIIe siècle. D'où les mouvements dits nationaux qui ont traversé le siècle suivant, d'un bout à l'autre, et en particulier l'émancipation des « nations » de l'Empire ottoman. Dans tous les cas, l'impératif était d'être « sujet de l'histoire », je veux dire : de sa propre histoire, et c'est bien à cela que servait l'idée de nation. Déjà, l'histoire faisait la loi. Déjà, il n'y avait de vérité qu'historique. Et, par conséquent, déjà il n'y avait pas de place pour le survivant, il n'y avait pas de place pour l'« expérience » du survivant. D'où l'obligation pour nous, c'est-à-dire vous avec moi, d'adopter une démarche de tortue, de marcher à reculons, de revenir en arrière dans l'expérience européenne, strate après strate. Comprenez-vous pourquoi je mets des guillemets autour du mot expérience, des guillemets que vous n'entendez pas quand je parle, mais que l'on devra lire? Ce survivant-là, celui qui met en question toute la tradition européenne du sujet de l'histoire, c'est celui qui revient mort, c'est le témoin mort. Aucun sujet de l'histoire n'avait prévu le témoin mort (sauf que les perpétrateurs, comme on les appelle en anglais, ont toujours été philosophes en diable. Ils savaient qu'il ne suffit pas de tuer les hommes. C'est le témoin qu'il fallait tuer en l'homme. Et ils ont su le faire. Ils ont parfaitement réussi. Nous avons été détruits de fond en comble, en tant que sujets, en tant que témoins, en tant que survivants). Ah, mais voilà donc ce qu'il s'agissait de comprendre depuis le début : comment parler du témoin mort, comment le faire « témoigner » de sa mort en tant que témoin? Et puisque cela semble une entreprise impossible, il fallait voir comment d'autres s'y sont pris. Cette fois-ci, j'étais donc complètement en dehors de l'expérience arménienne. C'est en tout cas ce que l'on pourrait croire à lire ce livre. À l'expérience arménienne, j'avais déjà consacré trois volumes. Le reste pouvait attendre. Je suis donc revenu en arrière pour voir quelle était l'expérience européenne de la mort du témoin, celle qui met en cause radicalement l'écriture même de l'histoire. J'ai regardé d'abord ce qu'en disait Hannah Arendt, qui en parle d'une façon tout à fait saisissante. Mais elle était encore trop historienne dans son grand ouvrage de 1951, Les Origines du totalitarisme. S'il est vrai que l'écriture de l'histoire est radicalement remise en cause par la mort du témoin, s'il est vrai que c'est un phénomène absolument moderne (et jusqu'ici insoupçonné), seule la littérature pouvait en parler de façon adéquate, une fois de plus. D'où les trois lectures offertes dans ce livre: à partir de Borges (pour expliciter et critiquer l'exploitation philologique de la figure du survivant), à partir de Wilder-lin (qui a été le seul, à l'aube de l'ère philologique, à affronter la « perte de la langue à l'étranger », c'est-à-dire l'expérience même du survivant, à travers l'épreuve folle de la traduction, et il en est vraiment devenu fou), et à partir de Maurice Blanchot (qui a quand même mené assez loin l'expérimentation romanesque de la mort du témoin, même s'il a fini par se dédire).

Propos recueillis par Isabelle Kortian


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 Témoignage et survivance
Titre : Témoignage et survivance / auteur(s) : Emmanuel ALLOA - Catherine COQUIO -
Éditeur : MetisPresses
Année : 2014
Imprimeur/Fabricant : Grafica Faggian Srl, Italie
Description : 14 x 20 cm, 368 plages, couverture illustrée en couleurs
Collection : Imprescriptible
Notes : Éditeurs scientfiques : Emmanuel Alloa et Stefan Kristensen
Autres auteurs : Janine ALTOUNIAN [contribution] - Marc NICHANIAN [contribution] -
Sujets : Génocides -- Survivants --Psychiatrie
ISBN : 9782940406791
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Comme nul autre, le XXe siècle aura été marqué par l’expérience génocidaire et les exterminations de masse. Ces événements ont imprimé une marque indélébile dans l’histoire de l’humanité, et ont suscité pour cette raison une réflexion inédite qui tente de prendre la mesure de l’expérience de l’extermination de groupe. Que signifie être la cible d’un plan d’extermination du groupe auquel on appartient ? Comment y survit-on ? Quelles sont les oreilles pour entendre un tel témoignage ? De quoi témoigne-t-on lorsqu’on a passé par la sujétion la plus ultime ? Peut-on produire une preuve de cette expérience ? Les textes réunis dans ce volume tentent d’indiquer des réponses à ces questions, afin de commencer à mieux cerner cette figure à la fois aporétique et incontournable qu’est le témoin à l’époque de la survivance.

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 Entre l'art et le témoignage, Littératures arméniennes au XXe siècle, Volume 3, Le roman de la catastrophe
Titre : Entre l'art et le témoignage, Littératures arméniennes au XXe siècle, Volume 3, Le roman de la catastrophe / auteur(s) : Marc NICHANIAN -
Éditeur : Metis Presses
Année : 2008
Imprimeur/Fabricant : Bianca e Volta, Truccazzano - Milan, Italie
Description : 17 x 24 cm, 470 pages
Collection : Prunus armeniaca
Notes : En appendice, choix de documents, Notices biographiques, Bibliogr. p. 453-465. Index
Autres auteurs :
Sujets : Ochagan, Hagop (1883-1948 ) -- Critique et interprétation -- Génocide arménien (1915-1916) -- Littérature arménienne -- Histoire et critique
ISBN : 9782940406043
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Disponible au prix de CHF 45 (EUR 28), sur commande en envoyant un e-mail à information@metispresses.ch


En 1931 Hagop Oshagan commence à publier "Mnatsortats", la plus puissante unité romanesque du XXe siècle en langue arménienne. Oshagan avait pour ambition d'écrire le «reste», «ce qui reste de notre peuple». Dans un entretien en 1931, il s'exprime pour la première fois sur son entreprise: «Le contenu de la troisième partie sera la Déportation. Cette partie aura pour titre L'Enfer. Bien entendu, ce sera la partie la plus difficile, puisque le pouvoir de la fiction romanesque est insuffisant à lui seul pour l'embrasser tout entière. Il faudra que je mène au moins une étude topologique, que je lise des milliers de récits et des centaines de volumes, de témoignages et de mémoires, avant de commencer à rédiger cette partie. Je ne peux qu'être mélancolique lorsque je mesure ce rêve à l'aune de mes bras». Or il se trouve qu'Oshagan s'est interrompu au terme de la seconde partie. Comment lire cet échec? Est-il déjà inscrit dans le roman tel qu'il nous est donné à lire? Ou bien faut-il chercher la réponse en dehors du roman? Après tout, Mnatsortats voulait-il être un témoignage de plus ou une œuvre littéraire? Est-ce que la distinction est pertinente? Et finalement: est-ce que l'échec d'une entreprise romanesque d'aussi grande envergure face à la Catastrophe peut nous apprendre quelque chose sur la nature de celle-ci? En effet, savons-nous ce qu'est la Catastrophe? Savons-nous de quoi le témoignage est censé témoigner? Et si, à travers son échec, un roman donne à lire les conditions de la Catastrophe, cet échec n'est-il pas, par là-même, la plus grande réussite, la seule réussite possible.

Table des matières

Introduction9
Chapitre 1: Témoignage et autobiographie31
Post Scriptum: Le frère de lait67
Chapitre 2: La dette pédophilique75
Chapitre 3: Le nœud de la voix, p.127127
Chapitre 4: La double figure de Komitas167
Chapitre 5: Le mode romanesque199
Chapitre 6: La double scéne233
Chapitre 7: «Pourquoi? Pourquoi?» La critique comme témoignage271
Annexe 1: Synopsis de Mnatsortats309
Annexe 2: Traductions321
«À l'ombre des Cèdres»324
«Hadji Agha»334
«La section des Cendres»384
Annexe 3: Notices biographiques445
Bibliographie453
Index nominum467


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 Entre l'art et le témoignage, Littératures arméniennes au XXe siècle, Volume 2, Le Deuil de la philologie
Titre : Entre l'art et le témoignage, Littératures arméniennes au XXe siècle, Volume 2, Le Deuil de la philologie / auteur(s) : Marc NICHANIAN -
Éditeur : Metis Presses
Année : 2007
Imprimeur/Fabricant :
Description : 17 x 24 cm, 480 pages
Collection :
Notes : Deuxième ouvrage d'une série prévue de 4
Autres auteurs :
Sujets :
ISBN : 9782940357062
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Disponible au prix de CHF 45 (EUR 28), sur commande en envoyant un e-mail à information@metispresses.ch


"«La vie païenne me séduit chaque jour un peu plus. Si aujourd’hui c’était possible, je changerais de religion et j’embrasserais avec joie le paganisme poétique. » C’est ce qu’écrivait Daniel Varoujan (1884-1915) en 1908. Dans cette veine, le poète allait écrire une grande partie de son oeuvre au cours des sept années qui lui restaient à vivre. Le présent ouvrage est une monographie sur Varoujan précédée d’une histoire de l’imagination nationale qui est aussi celle de la philologie nationale.
Celle-ci fait écho à la double invention philologique du XIXe siècle: celle du natif et celle de la religion mythologique. Il fallait prendre en compte les étapes de la philologie orientaliste dans lesquelles s’est inscrite l’auto-invention de la nation ethnographique: la «néo-archéologie», l’«auto-ethnographie », le «principe esthétique».
Le dernier épisode de cette histoire se passe en 1914 avec la revue Mehyan, à Constantinople, qui a regroupé avec Varoujan les grands noms à venir de la littérature arménienne en diaspora. Nous sommes à la veille de la Catastrophe. Cette génération s’en voulait la gardienne."


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 Entre l'art et le témoignage, Littératures arméniennes au XXe siècle, Volume 1, La Révolution nationale
Titre : Entre l'art et le témoignage, Littératures arméniennes au XXe siècle, Volume 1, La Révolution nationale / auteur(s) : Marc NICHANIAN -
Éditeur : MetisPresses
Année : 2006
Imprimeur/Fabricant : Ateliers de Gnosid, Milan (Italie)
Description : 17 x 24 cm, 430 pages, carte
Collection :
Notes : Premier ouvrage d'une série prévue de 4
Autres auteurs :
Sujets :
ISBN : 9782940357048
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Disponible au prix de CHF 45 (EUR 28), sur commande en envoyant un e-mail à information@metispresses.ch


Entre l’art et le témoignage, au moins quatre générations d’écrivains de langue arménienne ont pratiqué une écriture contrastée pendant tout le cours du XXe siècle. Partagés entre le Pays et la Dispersion, entre le reniement et la fidélité, entre le communisme et l’idée nationale, ces écrivains se sont débattus avec leur temps aussi bien qu’avec le singulier destin de leur langue déchirée. Dans le même temps, ils ont su inventer une modernité pour leur propre compte, où intervenaient la Catastrophe, le deuil philologique, le débat continuel avec le témoignage, la critique acerbe de la révolution nationale et, bien sûr, la question récurrente : comment la littérature est-elle encore possible dans ces conditions extrêmes, au bord (ou au-delà) de l’effondrement?
Le présent volume inaugure une série d’études monographiques sur ces écrivains du bout du monde. Il traite de quatre auteurs (Yeghishé Tcharents, Gourgen Mahari, Zabel Essayan, Vahan Totovents) qui ont produit l’essentiel de leur oeuvre en Arménie ou qui ont émigré sur le tard pour se voir emportés par la tourmente stalinienne en 1937.


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 Autopsie du génocide arménien
Titre : Autopsie du génocide arménien / auteur(s) : Vahakn Norair DADRIAN - Trad. de l'anglais par Marc et Mikael Nichanian
Éditeur : Complexe
Année : 1995
Imprimeur/Fabricant : Impr. en Belgique
Description : 266 p. couv. ill. en coul. 18 cm
Collection : Historiques : 92
Notes : Publié initialement dans le "Yale journal of international law", vol. 14, n 2, 1989 Bibliogr. p. 245-266
Autres auteurs : Marc NICHANIAN [traducteur] -
Sujets : Arméniens Massacres des 1915-1923 * Arménie -- Histoire -- 1901-....
ISBN : 9782870275702
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

Entre le printemps 1915 et l'automne 1916, alors que le monde était préoccupé par la Grande Guerre, le gouvernement turc décidait de régler la question de la présence des Arméniens dans l'Empire ottoman, par la déportation et l'extermination. Les procès des exécuteurs, en 1919-1920, n'eurent pas de suite ; Talaat, Enver et Djemal, les trois Jeunes-Turcs sur lesquels reposait la dictature depuis 1914, échappèrent à la justice. Les consciences ne s'éveillèrent pas devant l'infamie de ce génocide.
Pendant quatre-vingts ans, les Arméniens ont eu leur mémoire pour seule preuve de leur histoire, transmise aux générations successives. La dénégation systématique et universelle de l'extermination a empêché en outre tout véritable travail de nature historiographique.
Cette situation a commencé à changer à partir des années soixante-dix, en Europe et aux États-Unis. Les études sur le génocide ont imposé l'idée d'un examen comparé. Des travaux historiques importants ont vu le jour. Pourtant, Vahakn N. Dadrian est le premier qui ait su mener, avec toute la patience, l'érudition et l'intelligence voulues par le sujet, un travail qui réponde entièrement à l'exigence d'une conscience historique moderne. Les procès de 1919 en particulier n'avaient jamais été analysés ni même édités jusqu'ici. Ils constituent l'une des pièces maîtresses de cette étude sur les origines et les conséquences de l'extermination, à la lumière du droit national et international.

Préface 11
Introduction 19
PREMIÈRE PARTIE : L'INTERVENTION HUMANITAIRE
DES PUISSANCES : UNE PERSPECTIVE HISTORIQUE 27
I. LE DROIT RELIGIEUX ISLAMIQUE,
MATRICE DES DISPOSITIONS LÉGALES OTTOMANES,
ET LES CONFLITS NATIONAUX 29
II. LES TENTATIVES EUROPÉENNES D'INTERVENTION HUMANITAIRE MISES EN DÉFAUT PAR LES PRINCIPES DU DROIT COMMUN ISLAMIQUE 33
L'intervention humanitaire dans l'Empire ottoman 34
Les origines de l'intervention humanitaire à la lumière des rivalités entre les Puissances 34
La guerre d'indépendance et l'intervention européenne en faveur de la Grèce 35
La guerre de Crimée et l'Acte relatif aux réformes de 1856 36
Le massacre des chrétiens maronites 37
Les insurrections crétoises et balkaniques 38
La constitution de Midhat 38
Le protocole de Londres 41
L'antagonisme entre droit public et droit commun dans la Turquie ottomane 43
III. LE SORT DES ARMÉNIENS 45
L'échec de l'intervention internationale 45
Le manque de cohésion au sein des Puissances européennes 49
L'absence de liens avec les Puissances européennes 52
Le renouveau de la conscience nationale arménienne comme excuse pour la liquidation 54
La montée en puissance de l'Ittihad et la décision de « liquider » les Arméniens 56
DEUXIÈME PARTIE : L'ENTRÉE EN GUERRE DE LA TURQUIE ET LE GÉNOCIDE ARMÉNIEN 61
IV. LE CONTEXTE JURIDICO-POLITIQUE 63
Le facteur circonstanciel 64
L'annulation des traités 67
L'avertissement des Alliés et l'introduction du principe de « crimes contre l'humanité » 68
V. LA MISE EN ŒUVRE DU GÉNOCIDE 69
Mobilisation et déportation 71
Expropriation et confiscation des biens et des avoirs 73
Les massacres génocidaires 79
VI. LES DÉGUISEMENTS DE LA LOI DE DÉPORTATION ET LES LOIS ANNEXES 81
Les responsables ultimes des déportations 81
L'Organisation Spéciale (Teskilati Mahsusa) 83
Les efforts pour dissimuler les responsabilités et les intentions : un défi au châtiment 87
TROISIÈME PARTIE :
L'APRÈS-GUERRE : LES PROCÈS 89
VII. TENTATIVES ALLIÉES POUR ADMINISTRER UNE JUSTICE PUNITIVE 91
Le bras judiciaire de la Conférence de paix de Paris 92
Les tâtonnements juridiques des Britanniques 95
La Haute Commission et les Magistrats de la Couronne 95
Transfert des suspects prima facie des prisons turques aux prisons britanniques 98
Les conséquences des politiques nationale et internationale 101
Le problème des preuves légales probantes 102
La suspension finale des poursuites 104
Un commentaire sur la justice avortée des Alliés 106
VIII. LE RECOURS À LA MACHINERIE JURIDIQUE TURQUE 109
Les enquêtes et les investigations préliminaires 112
Le cinquième comité du Parlement 112
La Commission d'enquête de l'administration 115
La formation de la Cour martiale 116
Le début des procès 117
L'acte d'accusation principal 119
Les chefs d'accusation 120
La conspiration 120
Préméditation et intention 121
Meurtres et responsabilité personnelle 124
Le recours exclusif au code pénal interne 125
La défense récuse la juridiction : l'argument constitutionnel 127
Le verdict central 130
Les verdicts secondaires et la fin des procès 132
Les obstacles politiques aux procès internes 135
Les étapes préliminaires des procès 136
Les procès 138
Les parallèles avec les procès allemands à Leipzig 140
Conclusion 145
Annexes 241
Bibliographie 245


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 Ages et usages de la langue arménienne
Titre : Ages et usages de la langue arménienne / auteur(s) : Marc NICHANIAN -
Éditeur : Entente
Année : 1989
Imprimeur/Fabricant : 53-Mayenne : Impr. Floch
Description : 431 p. carte 20 cm
Collection : Langues en péril ISSN = 0985-956X
Notes : Bibliogr. p. 427-429
Autres auteurs :
Sujets : Armenien langue -- Histoire * Armenien langue moderne -- Aspect social
ISBN : 9782726600894
Lecture On-line : non disponible

Commentaire :

L'arménien, définitivement constitué entre le Vie et le Ille siècle av. J.C.. devient langue écrite et langue littéraire au Ve siècle après J.C. On dispose de quinze siècles de témoignages écrits pour retracer l'histoire de cette langue à travers ses moments importants, arménien classique au Ve siècle, arménien moyen, langue du royaume de Cilicie, au Xlle siècle, arménien moderne, instauré comme langue littéraire avec ses deux variétés, orientale et occidentale, au milieu du XlXe siècle.

Que se passe-t-il lorsqu'une langue devient langue littéraire?
Marc Nichanian décrit et analyse l'histoire de la langue et tente de cerner ces périodes de ruptures et la conscience que les locuteurs ont de ces ruptures.
A l'histoire de la langue se superpose donc celle des conceptions et des réceptions de la langue.

"Une histoire de l'arménien, lecture attachante et de bonne tenue ; le linguiste ne manquera pas d'être attiré par une telle étude."

Centre national de Documentation pédagogique



Autre commentaire
C'est à une entreprise immense que s'est attelé Marc Nichanian; celle de traiter en un volume l'histoire de la langue arménienne qui s'étend tout de même sur deux millénaires et demi, si l'on admet ce que certains savants estiment comme probable que la langue arménienne a été apportée entre le Xe et le Vle siècle av. JC dans ce pays que l'on nomme communément l'Arménie occidentale.

L'ouvrage est divisé en deux parties. La première abordant et situant la place de l'arménien parmi les langues indo-européennes, la création de l'alphabet par le lettré Mesrop Machtotz, l'école héllénisante des VIe et Vlle siècles, l'époque des rois Bagratides et enfin l'époque cilicienne. La deuxième partie de l'ouvrage concerne la période moderne à partir du XVIe siècle et l'instauration au début du XIXe siècle de l'arménien littéraire moderne, période qui coïncide avec le réveil de la conscience nationale arménienne, réveil d'ailleurs qui a pu être possible grâce à l'action des pères Mekhitaristes.

Mais au-delà de la description chronologique des diverses étapes de la formation de la langue, des ruptures, des transformations de la syntaxe et des mots, l'auteur s'implique et nous explique le processus récursif dans l'instauration de la langue, et l'histoire de cette langue à travers l'histoire de la nation. Ainsi, la langue arménienne a subi par trois fois un processus de 'littérarisation", qui est un mouvement complexe par lequel une langue non seulement accède à l'écrit, mais devient langue littéraire par la diffusion et 'l'uniformisation". Une première fois au Ve siècle lors de la création des caractères arméniens, une deuxième fois au Xlle siècle dans le royaume arménien de Cilicie lorsque la langue est devenue langue écrite, et une troisième fois au milieu du XIXe siècle.

Le propos central de son livre et le fil conducteur de son analyse est d'examiner à travers ces trois moments les conditions dans lesquelles cette langue se littérarise et les raisons de ce phénomène. II s'agit donc de l'histoire des conceptions de la langue au cours des âges et de l'usage de cette langue par le peuple. Si Marc Nichanian dans le labyrinthe des termes qui désignent les variantes de la langue, (vulgaire, littéraire, vernaculaire, langue civile, dialectes, parlers populaires, langue standard, langue véhiculaire, arménien classique, moderne, moyen...) pose le problème du péril de langue, il minimise ce péril dans une intellectualité détachée (toutes les langues, comme toutes les civilisations sont faites pour mourir). On pourrait aussi bien retourner le propos et indiquer qu'elles sont aussi faites pour vivre. II explique que ce vécu est perçu de façon différente dans la diaspora occidentale et la diaspora du Moyen-Orient, ou même du Karabagh. Paradoxalement, la littérature arménienne de la diaspora n'a pas suivi le même chemin que la transmission de la langue et de la tradition.

La littérature de la Diaspora a trouvé son accomplissement à Paris et non à Beyrouth, avec la génération qui a créé la revue Menk et qui a constitué une sorte de réponse et de continuation par rapport à la revue Mehian, dont le projet était de transformer la langue littéraire arménienne occidentale en y intégrant le grabar et les dialectes. Vorpouni, Chahnour, Nartouni, Chouchanian, Béchiktachlian etc... ont effectué dans l'exil le transport de leur langue en Occident. Ces écrivains de Paris ne construisaient pas un avenir, ils tentaient d'affronter la crise, au-delà de la catastrophe, contraints de vivre une réalité double, à la "recherche d'un nous impossible. 'Notre patrie nous a échappé, elle a glissé sous nos pieds, nous projettant à la mer. Mais c'est la meilleure occasion pour nous apprendre à nager', écrivait Sarafian en 1929.

Dikran Tchertchian, Mensuel France-Arménie, 1989


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